Regards luxembourgeois sur l'Afrique

0
4889

vesquejeanclaude_9153La Chambre de Commerce Luxembourgeoise, membre de la CBL-ACP, a mené une mission économique au Sénégal et en Ethiopie en février 2016. Il s’agissait de la première mission multisectorielle de la sorte en Afrique Subsaharienne. Une aventure couronnée de succès et préparée avec soin par Jean-Claude Vesque, directeur des affaires internationales de la Chambre de Commerce Luxembourgeoise et à la retraite depuis le mois de juin. Entretien à Luxembourg-ville d’un homme au parcours riche et passionnant.

Une mission économique demande beaucoup de préparation, quelle était votre méthode pour choisir la bonne destination parmi 48 pays?

Il y a 2 ans la Chambre de Commerce m’a demandé de faire une analyse et développer une stratégie pour le Commerce Extérieur Luxembourgeois envers l’Afrique sub-saharienne, j’étais surpris par le choix de pays, étant donne que j’avais des connaissances très limitées sur les marches en question. Mon savoir faire sur les trois derniers décennies se concentrait sur les Continents Amérique, Moyen Orient et Asiatique.
Au début j’étais assez pessimiste sur les opportunités d’affaires pour les entreprises luxembourgeoises, surtout les PME. Mais ma position initiale changeait dans le courant de mes recherches et dans le processus de comprendre les habitudes commerciales dans les pays concernés.
Avec méthode, j’ai commencé à analyser un nombre incalculable d’articles, de statistiques et de livres sur l’Afrique. De suite, j’ai éliminé les 3 pays du Maghreb, l’Egypte et l’Afrique du Sud dans lesquels nous avions déjà fait des missions.
Mes critères de sélection étaient au final assez simples et basés sur mon expérience.

  • La stabilité politique, primordial si on veut faire et réussir des affaires.
  • Le potentiel de développement du développement économique. Le pays avait-il des produits exportables?
  • Le degré de connaissance du Grande Duché du Luxembourg dans le pays de destination. Quatre à cinq pays connaissent particulièrement bien notre pays grâce aux actions de coopération au développement que nous y menons. Je parle de l’Ethiopie, du Sénégal, du Mali, du Cap Vert et du Burkina Faso.
  • Dernier critère, et non des moindres, c’est la présence de projets intéressants pour les PME.

Au Luxembourg nous comptons un nombre important d’entreprises qui travaillent dans le secteur de l’énergie renouvelable. De nombreuses opportunités existent pour nos PME en Afrique. A l’université de Dakar par exemple, l’une de nos sociétés a trouvé une solution pour améliorer la fourniture d’électricité pour 80.000 personnes. Résultat, une facture allégée de 15 à 20% ce qui constitue une économie importante pour cette institution.

Comment s’est déroulée la mission au Sénégal et en Ethiopie?

Après un an de recherches, je m’étais en effet arrêté sur le Sénégal et l’Ethiopie comme destination pour notre première mission économique subsaharienne. Nous avions envoyé des invitations à de nombreuses entreprises luxembourgeoises intéressées, vu que la mission étant multisectorielle. Après un processus de sélection rigoureux, une quinzaine d’entreprises étaient choisies pour faire de cette première mission un succès. Nous sommes arrivés le 1er février au Sénégal, pour y rester jusqu’au 2 avant de rejoindre Adis Abeba en Ethiopie. Les domaines représentés étaient variés: la logistique et le transport, les technologies de l’information et des communications, les énergies renouvelables et les services. La mission économique a été lancée officiellement lors d’une cérémonie d’ouverture, co-présidée par S.E. le ministre du Budget du Sénégal, Birima Mangara et S.E. l’Ambassadeur du Grand-Duché de Luxembourg au Sénégal, Martine Schommer. La visite était particulièrement intéressante pour nous car nous sommes actifs dans le pays depuis plus de 20 ans au niveau de la coopération et que le Plan Sénégal Emergence a été lancé en janvier 2014. Il y a de nombreuses opportunités d’affaires dans ce plan, l’occasion était donc rêvée pour ouvrir de nouvelles portes pour nos entreprises.

De nombreux contacts ont eu lieu entre les entreprises luxembourgeoises et sénégalaises lors des rencontres B2B, qui se concrétiseront par de nouveaux contrats dans les mois et années à venir.

La visite en Ethiopie a également été couronnée de succès. La mission a été officiellement lancée lors d’une table ronde en présence de S.E. Monsieur Regassa Kefale, Ministre d’Etat auprès du Ministère des Affaires Etrangères lors de laquelle les opportunités d’affaires en Ethiopie ont été présentées aux entreprises luxembourgeoises. Il y avait plus d’une centaine d’entreprises éthiopiennes présentes, ce qui ne peut que témoigner de l’intérêt du pays pour le marché luxembourgeois. Le Luxembourg était représenté par l’Ambassadeur S.E.M. Jean-Marc Hoscheit et le Directeur des Affaires Internationales de la Chambre de Commerce actuel, Monsieur Jeannot Erpelding. Un « Mémorandum of Understanding » entre notre Chambre de Commerce et la Chambre de Commerce et des Associations Sectorielles d’Addis Abeba a été signée, suivi de rencontres B2B afin de clôturer la journée par une réception.
Nous pouvons nous réjouir de la signature d’un contrat de partenariat pour le développement conjoint d’un système micro-éolien et la fourniture de composants électroniques. Ainsi, les entreprises luxembourgeoise « Tanlux Investments Association » et l’éthiopienne « Stanford Trading » ont mis à profit l’occasion pour signer un contrat à Adis Abeba.
Tant pour la Chambre de Commerce que pour une grande partie des participants cette mission économique a constitué un premier pas en Ethiopie qui mérite d’être poursuivi.

Cette mission était une première, quid de l’avenir?

Il faut continuer à faire des missions économiques chaque année pour développer les autres pays. Il y a de nombreuses possibilités pour les petites et moyennes entreprises luxembourgeoises. Pour le moment il n’y a que les très grosses entreprises qui s’exportent mais il y a vraiment de la place pour tout le monde. Ainsi, au Sénégal, un bureau d’ingénieurs s’est établi et réussit avec brio.
On a longtemps cru qu’il fallait d’abord avoir des infrastructures adéquates dans les pays avant d’y lancer des produits mais c’est l’inverse qui est vrai. Pour s’exporter, il faut d’abord un bon produit et les infrastructures suivent après. Le business doit venir d’abord, l’infrastructure doit suivre.

Quelle est selon vous l’un des chantiers les plus importants à réussir pour l’Afrique dans les années à venir?

Il n’y a pas assez d’union en Afrique. Les pays doivent d’avantage se mettre ensemble. Il faut une solution politique avant une solution économique. Les moyens sont énormes mais l’Afrique doit s’unir politiquement pour qu’on ait confiance en ce continent.