La CCJA, ses compétences : une mise au point

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Les praticiens du droit africain constatent que des confusions subsistent dans le chef de nombre d’investisseurs quant à la sphère de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, tant sur le plan judicaire qu’en matière d’arbitrage.

La présente contribution n’a d’autre ambition que de rappeler en quelques lignes les règles applicables.

1. Compétence juridictionnelle

Beaucoup d’ opérateurs, inquiets du possible manque d’objectivité de certaines juridictions nationales africaines, s’imaginent que justice sera nécessairement rendue aux droits qu’ils invoquent, au niveau de la cassation, par la CCJA, cour internationale siégeant, délibérant et statuant hors l’emprise du pouvoir politique des pays membres de l’OHADA.

Qu’ils ne se méprennent pas : la CCJA est uniquement compétente, sur recours en cassation, dans les affaires soulevant les questions relatives au droit de l’OHADA, c’est-à-dire à ses actes uniformes et règlements et à l’exclusion des recours contre des décisions prononçant des sanctions pénales. Il ne s’agit donc pas d’une compétence générale couvrant tout le droit des affaires.

La jurisprudence démontre que cette limite de compétence est appliquée de manière stricte. A titre d’exemple, il est inutile de se présenter devant la CCJA pour un litige en matière de responsabilité contractuelle de droit commun, le droit OHADA ne réglementant pas cette matière ni, d’ailleurs, le droit général des obligations. Inutile également de lui soumettre un litige qui ne porterait que sur le droit minier.

Par contre, la CCJA se déclarera compétente si le pourvoi formé devant elle porte à la fois sur des dispositions de droit OHADA et sur des dispositions relevant du droit interne d’un pays membre.

Le choix entre un pourvoi en cassation devant la juridiction suprême nationale ou devant la CCJA peut s’avérer délicat et doit même être mûrement réfléchi. S’il demeure un risque que la CCJA se déclare incompétente, il sera sans doute préférable d’introduire le pourvoi devant la cour de cassation nationale car l’introduction d’un recours devant la CCJA ne suspend pas le délai de recours devant la juridiction suprême nationale et celui-ci aurait probablement expiré depuis longtemps si la CCJA se déclarait incompétente.

En sens inverse, si une cour de cassation nationale est saisie d’un pourvoi qui est du ressort de la CCJA elle doit renvoyer la cause devant la CCJA. La question du délai de pourvoi devant cette dernière (3 mois à dater de la signification de la décision attaquée) ne se pose donc pas dans cette hypothèse.

La CCJA dispose d’un pouvoir dit « d’évocation », c’est-à-dire que, contrairement à la plupart des cours de cassation nationales qui, lorsqu’elles cassent l’arrêt d’une cour d’appel doivent renvoyer l’affaire à une autre cour d’appel pour qu’elle tranche à nouveau le fond de la cause, elle connait elle-même du fond de l’affaire en tant que troisième degré de juridiction. Il faut toutefois être attentif au fait que la CCJA, une fois l’arrêt de la cour d’appel cassé, n’accepte aucun moyen nouveau et s’appuie sur les conclusions qui avaient été déposées devant la cour d’appel pour trancher le fond.

L’introduction d’un pourvoi devant la CCJA ne suspend pas l’exécution de la décision attaquée mais la partie qui poursuit l’exécution le fait évidemment à ses risques et périls avec la menace, en cas de cassation et réformation de la décision d’appel, non seulement de devoir rembourser des sommes indument perçues mais également de devoir payer des dommages et intérêts.

Les décisions de la CCJA ont autorité de chose jugée et force exécutoire dans tous les Etats membres de l’OHADA, sans qu’elles ne doivent être préalablement reconnues et ni exequaturées par les juridictions nationales comme c’est le cas pour les décisions rendues par des juridictions étrangères.

2. Compétence arbitrale

La CCJA joue également le rôle d’institution arbitrale pour tout litige d’ordre contractuel (i) impliquant au moins une partie ayant son domicile, sa résidence habituelle ou son siège sur le territoire d’un Etat partie ou (ii) portant sur un contrat exécuté en tout ou en partie sur le territoire d’un Etat membre. Les parties doivent bien entendu être liées par une clause compromissoire ou un compromis arbitral, l’arbitrage étant un mode de règlement de conflit fondé sur une base exclusivement consensuelle.                                                                      

Il n’est pas requis que le litige soit régi par des dispositions de droit OHADA ou du droit national d’un ou plusieurs Etats membres. Ainsi, un litige qui opposerait un résident congolais à un résident belge au sujet d’un contrat régi par le droit belge peut être vidé par un arbitrage institutionnel contrôlé par la CCJA si le contrat le prévoit.

La CCJA ne tranche pas elle-même le litige : elle nomme les arbitres ou, si ceux-ci sont choisis par les parties, confirme leur nomination.

Une fois la procédure d’arbitrage lancée, la CCJA en assure le suivi administratif comme le font d’autres institutions arbitrales internationales telle la CCI.

Comme ces dernières, la CCJA prend connaissance du projet de sentence avant signature. Elle ne peut toutefois proposer que des modifications de pure forme et fournir des indications nécessaires pour la liquidation des frais d’arbitrage. Elle fixe également le montant des honoraires du ou des arbitres.

Les sentences arbitrales ainsi rendues sous le contrôle de la CCJA ont d’office autorité de chose jugée sur le territoire des Etats membres de l’OHADA. Et c’est encore la CCJA et non une juridiction interne d’un Etat membre qui accorde l’exéquatur, laquelle rend la sentence immédiatement exécutoire dans tous les Etats membres.

La CCJA est également compétente pour tout recours en contestation de la validité de la sentence

L’arbitrage institutionnel brièvement décrit ci-dessus ne doit pas être confondu avec l’arbitrage de type « classique » régi par l’acte uniforme de l’OHADA relatif au droit de l’arbitrage. Celui-ci s’applique à tout arbitrage ad hoc ou se déroulant sous le contrôle d’autres centres d’arbitrage, lorsque le siège de l’arbitrage se trouve dans un Etat membre.

Les sentences rendues dans ce type d’arbitrage ne sont susceptibles d’exécution forcée qu’en vertu d’une décision d’exequatur rendue par le juge de l’Etat membre où une partie souhaite procéder à une telle exécution forcée. La CCJA n’est elle-même compétente que pour statuer sur pourvoi en cassation formé contre un refus d’exequatur.

Les recours en annulation d’une une sentence sont, quant à eux, du ressort du juge du pays dans lequel la sentence a été rendue.
La CCJA connaît uniquement du pourvoi qui serait formé contre la décision relative à la demande d’annulation.