1. Excellence, comment présenteriez-vous Madagascar d‘un point de vue économique ?
En quelques mots, c’est un grand chantier doté d’énormes ressources, humaines et naturelles notamment, et qui offre de nombreuses opportunités d’investissement. Madagascar est la cinquième plus grande île du monde avec une superficie de 587 000 km2 et 25,6 millions d’habitants.
Avant la crise sanitaire de la Covid-19, son économie était sur une tendance ascendante avec un taux de croissance estimé à 4,8% en 2019. Les conditions favorables au climat d’investissement restaurant ainsi la confiance des investisseurs a permis de rouvrir l’accès aux marchés d’exportation, renouer avec les apports de financements et lancer des réformes structurelles.
Malheureusement, la crise sanitaire de 2020 risque de ralentir voire même d’inverser la dynamique positive enregistrée jusqu’ici et d’entraîner une situation économique, sociale et budgétaire déplorable. En effet, le tourisme, un des facteurs clés de développement économique de Madagascar est au point mort. Les frontières aériennes demeurent fermées à la majorité des touristes européens dont les belges. La Banque Centrale de Madagascar prévoit une sombre récession de l’économie, à -3,2% du PIB alors qu’elle prévoyait un rythme de croissance de 5,2%. Dans ce contexte, les populations vulnérables seront particulièrement exposées. Des besoins de financement seront nécessaires pour pallier à l’effondrement des recettes fiscales et aux dépenses liées à la crise sanitaire, pesant lourdement sur le déficit budgétaire.
2. Comment décririez-vous les relations bilatérales entre la Belgique et Madagascar ?
L’établissement des relations diplomatiques entre Madagascar et la Belgique date des premières années de l’Indépendance.
Madagascar ne figure pas parmi les pays dits « de concentration » de la coopération bilatérale directe de la Belgique bien que les relations entre les deux pays soient cordiales et demandent à être développées dans le sens d’un esprit de confiance et d’investissement mutuellement avantageux. Jusqu’ici, les élans de coopération et d’investissement ont été freinés par les crises politiques successives qui ont secoué Madagascar.
La volonté de raviver les relations est palpable. En effet, le Royaume de la Belgique accompagne le gouvernement de Madagascar pour le développement des énergies renouvelables. C’est ainsi qu’en mai 2018, le gouvernement belge a accordé au gouvernement malagasy un prêt à taux zéro de 8 millions d’euros dans le cadre de l’exécution du projet de construction de centrales électriques hybrides photovoltaïques/diesel.
En outre, les deux pays se soutiennent au sein des institutions multilatérales comme les Nations unies et l’Organisation internationale de la Francophonie.
Par ailleurs, quelques accords de coopération ont été conclus entre les deux pays pour ne citer que quelques-uns :
- en 2003 Accord d’assistance administrative mutuelle en matière douanière
- en mai 2005, signature de l’Accord concernant l’encouragement et la protection réciproques des investissements entre Madagascar et l’Union Economique belgo- luxembourgeoise
En 2017 et en 2019, des voyages de délégations économiques et commerciales à Madagascar ont été organisés par l’AWEX. Les secteurs concernés étaient l’énergie, le traitement des déchets, l’accès à l’eau, la santé, les TIC, l’agriculture.
Par ailleurs, la Belgique fait partie du top 10 des premiers clients de Madagascar et des premiers fournisseurs de Madagascar en 2015. En 2007, la Belgique est le 22ème fournisseur essentiellement en produits pharmaceutiques, produits chimiques, en céréales (42,66 millions d’euros) et 15ème client en nickel, fruits et noix de Madagascar (24,69 millions d’euros).
En 2006, un accord a eu lieu sur le renforcement de la coopération culturelle par des offres de bourses et de formations par des universités et des établissements supérieurs belges notamment l’Université de Liège, le Conseil Interuniversitaire de la Communauté Française de Belgique et l’institut flamand VLIR-UOS.
En effet, Madagascar constitue une zone
privilégiée de la coopération universitaire wallonne. Des programmes de coopération ont été lancés avec les universités d’Antananarivo et de Toliara. Cette dernière a bénéficié du programme « Pôles de formations spécialisées » (PFS).
En 2016, un programme de coopération universitaire entre les universités malagasy et l’ARES (Académie de recherche et d’Enseignement Supérieur) a été mis en place.
Environ une dizaine d’ONG et d’associations belges travaillent dans différents domaines (accès à l’eau, santé, habitat, reboisement, appuis aux collectivités territoriales, sécurité alimentaire, éducation…)
C’est ainsi qu’au mois de janvier 2020, l’Institut Supérieur de Technologie d’Antananarivo a ouvert une école d’architecture soutenue par des acteurs privés et ONG belges
3. Quels sont les secteurs clés dans lesquels vous conseilleriez aux investisseurs belges d‘investir à Madagascar ?
Les secteurs prioritaires définis dans le Plan Emergence Madagascar (PEM) du gouvernement axés sur l’agriculture, le tourisme,
l’ énergie, les TIC , les mines, le textile et les infrastructures (santé, éducation…) constituent des opportunités pour les investisseurs. Toutefois, je citerai quelques-uns à savoir :
L’agriculture : L’éradication de la faim, la production durable ainsi que la consommation responsable répondent aux objectifs de développement durable ODD. Madagascar dont la population est majoritairement rurale, a besoin d’infrastructures et de matériels d’équipements adaptés afin de développer son potentiel agricole sur toutes les chaînes de valeur allant de la production avec la logistique y afférente, du conditionnement et la conservation des récoltes, de la transformation jusqu’à la commercialisation.
Le BIO est un secteur prometteur à Madagascar. Plus de 320 entreprises sont certifiées BIO avec un chiffre d’affaires annuel d’environ 110 millions d’euros. Des success story dont l’entreprise belge ILANGA NATURE, spécialisée dans l’apiculture et les épices témoignent des opportunités d’investissement à Madagascar.
Madagascar est aussi la référence mondiale du marché de la vanille, des litchis, des crevettes bio label rouge, du saphir et est le premier pays producteur de caviar en Afrique.
Le marché pharmaceutique à Madagascar est un volet sanitaire du Plan Emergence Madagascar. L’inauguration de l’usine Pharmalagasy en octobre dernier démontre la volonté du gouvernement de relancer la filière pharmaceutique. L’objectif étant de produire sur place grâce à sa flore exceptionnelle, les médicaments à base de plantes, de médecine traditionnelle pour assurer la santé des Malagasy d’abord avant d’en partager les découvertes aux autres pays.
Le savoir-faire de l’industrie pharmaceutique belge pourrait être mis à profit à Madagascar. D’autant plus que le marché africain évalué à 65 milliards de dollars présente des perspectives particulièrement prometteuses.
Il en est de même pour le marché mondial des médicaments à base de plantes qui devrait atteindre 129 milliards de dollars d’ici 2023.
Le tourisme à Madagascar tarde à se développer et à concrétiser son potentiel malgré… d’immenses atouts naturels, culturels et humains. La destination reste très peu connue sur le marché… international et est fréquentée essentiellement par des voyageurs avertis européens. Selon Forwardkeys, agence internationale analysant plus de 17 millions de réservations de voyage par jour du monde entier, le marché belge dans ce domaine ne représente que 2% comparé au marché français et italien estimé à plus de 30%. Le secteur accuse un retard sur ses voisins immédiats et partenaires des Iles Vanille.
Et pourtant, les perspectives restent optimistes. L’objectif est d’atteindre 500 000 touristes et pouvoir offrir
20 000 chambres supplémentaires d’ici 2023.
Une réelle communication énergique et une promotion active à l’international sont indispensables pour promouvoir la destination Madagascar. WAVE, 1er forum international du tourisme qui s’est déroulé à Antananarivo en Septembre 2019 a permis de réunir les principaux décideurs étrangers afin de leur faire découvrir sur terrain directement les opportunités d’investissement touristiques notamment dans les hôtels de luxe, ou les Eco-lodges, un marché de niche très prometteur à la vue de la disponibilité des sites uniques tels les parcs nationaux ou les îlots, et des mesures incitatives offertes par le gouvernement. Rien que pour cette année et ce malgré le contexte de la Covid-19, des investisseurs belges ont l’intention de concrétiser des investissements dans des Eco-lodges 4 étoiles à Madagascar dès la réouverture du ciel arien.
L’énergie : Madagascar ambitionne dans sa nouvelle politique énergétique d’atteindre 75% de taux d’accès à l’électricité verte d’ici 2030. En effet, l’ensoleillement évalué à 2800 heures par an, la vitesse du vent à 7m par seconde dans le Nord et Sud-Ouest de Madagascar, le potentiel hydroélectrique de 7800 MW dont seulement 2% est exploité, ces indicateurs représentent des atouts attractifs pour tout investissement dans les énergies renouvelables.
Je tiens enfin à souligner que des projets d’industrialisation de la Présidence dans les 22 régions de Madagascar selon ses potentialités économiques et humaines sont lancés au travers de l’ODOF (One District, One Project). Des partenaires étrangers sont sollicités à accompagner Madagascar dans son développement.
4. Votre ambassade est le premier point de contact pour les entrepreneurs basés en Belgique et au Luxembourg. Comment les accompagnez-vous ? Y a-t-il d‘autres agences avec lesquelles il est important d‘être en contact ?
L’une des missions de l’Ambassade est d’accroître l’attractivité de Madagascar sur tous les secteurs prioritaires du gouvernement.
L’Ambassade envisage une fois la situation sanitaire maitrisée, des activités de promotion auprès des acteurs belges et luxembourgeois. Le site de l’Ambassade ainsi que la vitrine de Madagascar en cours de construction permettront également de promouvoir le pays auprès des acteurs du Bénélux.
Par ailleurs, en tant que premier point de contact, nous servons de lien entre les acteurs belges et luxembourgeois qui souhaitent investir à Madagascar ou nouer des partenariats avec les entrepreneurs nationaux. Ainsi, nous étudions leurs besoins
spécifiques et les accompagnons au mieux dans leur prospection.
Nous les mettons également en contact avec des institutions telles les groupements d’entreprises, les chambres de commerce et d’industrie de Madagascar, les institutions étatiques, l’Economic Development Board of Madagascar ou EDBM.
Notre souhait est d’ailleurs d’étudier un partenariat entre la chambre de commerce
belgo-luxembourgeois et celle de Madagascar.
5. Y a-t-il un message que vous aimeriez adresser à nos membres ?
Madagascar, terre d’opportunités et dont le marché demeure libre et non saturé n’attend plus que des investisseurs sérieux. Nous mettrons tout en œuvre pour vous accompagner afin que le résultat attendu soit mutuellement bénéfique.
6. Spécial Covid-19 : Comment décririez-vous la lutte menée contre la Covid-19 par Madagascar ? Quels supports ont été mis en place pour les investisseurs belges ?
Je pense que Madagascar a réussi à limiter les cas comparés à d’autres pays. Depuis le 23 mars 2020, le gouvernement a mis en place un centre de commandement opérationnel CCO permettant de piloter la gestion de la crise de la covid-19.
Ainsi du 23 mars au 18 octobre, l’état d’urgence sanitaire a été instauré. Des interventions hebdomadaires du Président ou du Premier Ministre sur les chaines de télévision et dans les radios ont été effectuées.
Tous les vols aériens internationaux ont été suspendus, rouverts provisoirement en octobre dernier, et à nouveau fermés à la majorité des européens depuis novembre en raison de la recrudescence des cas en Europe.
Des mesures de restrictions sévères ont été instaurées au début de la crise (confinement, couvre-feu dans certaines régions, écoles et magasins fermés…). Elles ont été assouplies progressivement et en fonction des chiffres de cas positifs, de décès et de guérisons enregistrés.
Début octobre, le pays a enregistré près de 16 558 cas confirmés, 15 486 guérisons et 232 décès.
Un plan d’urgence sanitaire et social pour soutenir les familles les plus touchées par la crise sanitaire a été mis en place à savoir le dépistage massif gratuit, la fourniture des premières nécessités au niveau de toutes les régions et des communes, la distribution gratuite de la Covid-Organics pour la majorité de la population dans le besoin.
En effet, fin avril 2020, le gouvernement a annoncé la production et la distribution de la Covid-Organics, un remède à base d’artemisia pour prévenir et guérir du coronavirus.
Sur le plan économique, des mesures ont été prises entre autres le report de paiement d’impôts, des aides d’urgence pour les PME …
Pendant toute la crise, les représentations extérieures sont les principaux points de contact des investisseurs belges et luxembourgeois afin de recueillir les dernières actualités. Des salons internationaux de promotion de Madagascar adressés aux investisseurs internationaux sont également organisés par les acteurs sur place de manière virtuelle. Tel a été le cas de la 5ème édition du salon de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) en octobre dernier, dont le thème a été « Le monde après Covid-19, Madagascar durable ».