Ce titre, formulé en question, résume bien l’essence de notre échange avec Guy Bultynck. À l’origine, cette interview avait été préparée pour discuter des progrès en matière d’infrastructures de transport, un point qui semblait freiner quelques développements économiques du pays selon les observateurs internationaux. Or, d’après notre expert, à la fois consul, mais aussi homme d’affaires, un dézoome méritait d’être fait. D’après lui, le Gabon est un pays dont les opportunités d’investissement sont immenses et pourtant grandement sous-estimées.
Entretien avec Guy Bultynck, Consul Honoraire du Gabon en Flandre
Que peut-on dire aujourd’hui de l’accueil offert par le Gabon aux investisseurs étrangers ?
Premièrement, le Gabon est un pays stable politiquement. Jusqu’ici, il y a eu trois présidents qui se sont succédé d’une manière organisée et sans violence physique, ce qui est exceptionnel en Afrique. Politiquement, cela ne veut pas dire que le pays est calme, mais il possède des institutions solides.
De ce point de vue là aussi, c’est un pays atypique en Afrique. Et pour un investisseur cela compte énormément. Il sait qu’il peut avoir confiance dans la pérennité de ses projets sur place. C’est en partie dû à l’héritage de la France, qui y a développé des structures, le respect de l’écrit, etc., mais c’est surtout que ces institutions sont réellement ancrées dans la réalité du pays.
Le Gabon a également la réputation d’être un pays riche et fort économiquement. Qu’en est-il dans les faits ? Est-ce intéressant pour les investisseurs ?
Troisième économie de l’Afrique centrale (13 % du PIB régional), pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, le Gabon est l’un des pays les plus riches d’Afrique avec un PIB/hab se situant à plus de 7.500 USD en 2018. L’économie gabonaise se caractérise également par un secteur informel important (entre 40 et 50% du PIB), employant la grande majorité de la population active.
Pour un investisseur c’est là un signal fort de l’existence potentiel d’un marché, d’une économie qui offre de réelle opportunité de développement. De plus selon les estimations du FMI, la croissance économique va encore s’y renforcer en 2020 (4,2% du PIB) sous l’impulsion des secteurs non pétroliers, des exportations et des investissements. Il est aussi bon de savoir que si la production pétrolière est aujourd’hui stabilisée, son déclin annoncé sera compensé par le développement du secteur minier, en particulier le manganèse dont le développement de l’exploitation est en train de hisser le Gabon à la place de premier producteur mondial. Le Gabon sait aussi créer de la valeur ajoutée et cela grâce à la main d’œuvre qualifiée que vous trouvez sur place. C’est ainsi que le Gabon a été le premier pays à exporter uniquement du bois déjà transformé sur place. Autre atout non négligeable, le Gabon est un des pays qui a toujours une monnaie liée à l’Euro : le CFA. Pour un homme d’affaires européen cela signifie la convertibilité CFA/EURO garantie. Cela dit, je surveille de près les discussions de la CEMAC, la banque centrale centrafricaine, pour remplacer le CFA par une nouvelle monnaie nommée l’Eco, qui leur permettrait d’organiser une éventuelle dévaluation et ainsi relancer l’économie. L’UMOA, la banque centrale ouest-africaine, a déjà validé ce changement, bénéfique aux pays, mais risqué pour l’attractivité des investissements.
Un troisième facteur de stabilité est l’état des liaisons internationales. Comment se portent les relations bilatérales avec la Belgique ? Comment les investisseurs belges sont-ils perçus ?
Le Gabon et la Belgique ont une relation que l’on peut qualifier d’excellente, et qui dure depuis des années. Pour l’anecdote, Omar Bongo est l’un des rares chefs d’État qui a été reçu par le roi des Belges en privé.
C’est un symbole très fort et une reconnaissance de l’amitié entre les deux pays. Si l’on revient à la réalité de l’homme d’affaires, les Belges ont un avantage terrible, c’est qu’ils parlent français, mais ne sont pas français. Ce n’est pas que le Gabon ait une dent contre la France, mais il veut s’affranchir du monopole des Français. A bon entendeur, salut ! Les Belges apparaissent donc comme des investisseurs providentiels, au même titre que les Canadiens et les Chinois, qui parviennent à envoyer eux aussi des représentants parlant français.
Dans quels domaines œuvrent les sociétés belges actuellement présentes au Gabon ?
Les quelques sociétés présentes sont principalement liées à l’agriculture, à l’agro-industrie aux transports et dans une moindre mesure dans le secteur des finances. Pour info : le Transgabonais est une réalisation belge.
Existe-t-il une politique d’attractivité et d’accueil des investisseurs, comme dans d’autres pays africains ?
Parfaitement ! Depuis plusieurs années le Gabon fait un important appel du pied aux investisseurs étrangers. Le gouvernement a entamé un effort significatif de modernisation de ses services administratifs et de soutien à la diversification économique, sous le prisme du Plan Stratégique Gabon Émergent (PSGE) qui repose sur trois piliers : le Gabon Vert, le Gabon industriel et le Gabon des Services. Concrètement, tout un ensemble de mesures a été réalisé : la création de Zones Économique Spéciales (ZES), la mise sur pied d’un guichet unique des entreprises, la révision de certains codes sectoriels, etc. Tout est en place et mon analyse personnelle est qu’il manque un (sérieux) effort de communication de la part des autorités gabonaises pour faire connaitre le pays et ses atouts et ainsi convaincre les investisseurs de saisir les opportunités présentes. Bien sûr le premier arrivé sera le premier servi.
Pour vous le transport n’est pas un réel frein aux investissements ou au développement économique ?
Là aussi le pays est atypique. Pour comprendre, il faut connaître la géographie du pays. Le Gabon est grand comme six fois la Belgique et 4/5 de sa superficie est affectée en réserves naturelles. Il ne compte que 1,8 million d’habitants, dont la majorité vit dans les deux villes principales : Libreville et Port-Gentil. L’emplacement privilégié pour installer une entreprise ou une industrie au Gabon se trouve soit dans la périphérie des zones portuaires (Owendo & Port Gentil) soit le long du « Transgabonais », qui va de Libreville à Franceville. Cette voie ferrée est aujourd’hui le principal axe de transport du pays. Elle est vitale à l’exploitation forestière et à l’acheminement du manganèse vers le port d’Owendo. Vu le relief du pays fort accidenté les routes joueront plutôt un rôle secondaire dans la logistique économique et/ou industrielle.
Le secteur des transports a pourtant eu son lot de réformes et d’investissements. Existe-t-il là aussi des opportunités pour les investisseurs ?
En effet, de grands chantiers sont en cours : la construction de nouvelles voies de chemin de fer, le tramway de Libreville, la construction de gares routières, la création d’un centre de contrôle des poids lourds, la restructuration de la Société Gabonaise des Transports (SOGATRA), l’aménagement de zones logistiques, la construction de gares maritimes, la numérisation de titres de transport, etc. Derrière tout cela, l’état gabonais promeut deux modèles d’investissement : le Partenariat Public-Privé (PPP) et le contrat de concession. Des concessions ont par exemple été octroyées pour l’exploitation du chemin de fer et pour la gestion de l’aéroport national