La finance Islamique

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La division Finance de la CBL-ACP a été créé en 2009 par Sylvain Pillons et Alexander Herring. En 10 années d’existence, elle a été active dans l’organisation de séminaires et a publié des articles sur différents sujets dont le Fonds Européen de Développement, les facilités d’Investissement en Afrique, les assurances à l’export, la Banque de Développement Ouest Africaine, la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, les aides et subventions belges aux entreprises, etc. Pour son 10ème anniversaire, elle s’est intéressée à une niche : la Finance Islamique.

Ci-dessous un aperçu du sujet avec des extraits tirés du Vademecum de la Finance Islamique d’Hassoune Conseil dirigé par Anouar Hassoune. Il fût l’un des orateurs de notre séminaire du 18 novembre 2019 sur le thème « What can Islamic Finance do for your business notably in Africa ? ».

La finance islamique, un compartiment éthique du marché de l‘argent

Un compartiment de la finance éthique, responsable et non-spéculative, la finance islamique s’adresse à tous, pas uniquement aux musulmans. Ses principes, hérités des valeurs de l’Islam, ont une vocation universelle. La finance islamique repose en effet sur cinq principes cardinaux. Ces « cinq piliers de l’islam financier » contiennent trois interdictions et deux obligations. Les interdictions rendent illicites tant l‘intérêt que l‘usure (riba), les comportements spéculatifs et incertains (gharar et mayssir), ainsi que certains secteurs économiques réputés impurs (les boissons alcoolisées, les jeux d‘argent et l‘exploitation de la viande de porc n‘en sont que quelques exemples). Les obligations en revanche paraissent très riches de promesses: partager les pertes et les profits entre tous les protagonistes d‘une aventure économique, et adosser toute transaction financière à un actif tangible, émanant de l‘économie réelle bien d’avantage que virtuelle. De surcroît, un conseil de conformité (formé de jurisconsultes musulmans reconnus) doit valider le caractère islamique d’un produit financier ou d’une transaction financière. Sans cela, un produit ou un contrat de finance islamique serait perçu comme potentiellement à risque.

La finance islamique est davantage complémentaire de la finance conventionnelle que directement substituable à cette dernière.
La finance islamique ne saurait, au stade actuel de son développement, prétendre à remplacer la finance conventionnelle. La finance islamique moderne n’a guère plus de trente ans. Le total de ses actifs correspond à moins de 1% des actifs bancaires de la planète.

Certes la finance islamique connaît des taux de croissance impressionnants, mais cette industrie reste une niche. Les institutions financières islamiques ont encore besoin des services que peuvent leur rendre leurs consoeurs conventionnelles. En effet, au regard du principe d’interdiction de l’intérêt, la gestion de leurs liquidités et de leurs risques, via des instruments dérivés en particulier, ne peut se faire de manière efficace qu’avec l’appui de banques conventionnelles partenaires.

Au sein des pays musulmans du Golfe Persique nous estimons qu’un client sur cinq se dirige spontanément vers des services financiers islamiques ; ce qui veut dire que 80% des clients sont encore séduits par des produits de financement, de placement et d’investissement conventionnels. Cela s’explique par deux raisons : d’une part l’argument religieux ne fait pas mouche à tous les coups ; et d’autre part, la finance islamique n’a pas encore réussi à offrir une gamme de produits suffisamment vaste pour concurrencer de manière frontale l’offre conventionnelle.

La finance islamique est universelle, pas seulement destinée aux musulmans

Il est bien clair que disposer d’une population musulmane sur son territoire est une condition nécessaire au déploiement d’une finance islamique domestique. Cela dit, ce n’est jamais une condition suffisante.

Un certain nombre de conditions sont au rang des prérequis nécessaires au succès de la finance islamique dans un pays donné : il y faut une volonté politique et réglementaire d’abord, c’est-à-dire la claire ambition des plus hautes autorités d’accompagner l’émergence puis la croissance de cette industrie.

Il faut aussi que le système financier, bancaire notamment, soit suffisamment développé.
La finance islamique tend à poindre lorsque l’infrastructure sur laquelle s’appuie l’intermédiation bancaire est déjà bien étayée.
En effet, les pays les moins bien équipés en services bancaires sont souvent les plus pauvres, et dans ces cas précis, les populations ont souvent du mal à accéder à une offre bancaire minimale ; lorsqu’elles peuvent y prétendre, la question du coût de ces services se pose avec acuité, bien davantage que celle de leur dimension religieuse ou éthique. Par conséquent, la finance islamique ne se développe qu’après une phase de maturation préalable du secteur financier de base, en quelque sorte comme le degré un peu plus avancé de finance communautaire.

La finance islamique n‘est ni communautariste, ni anti-laïque, ni identitaire : elle obéit davantage à une logique affinitaire

La banque islamique est une offre financière qui répond à un besoin économique.

La laïcité et la finance islamique peuvent faire bon ménage puisque la première s’adresse au « tous », c’est-à-dire au collectif, à l’universel, tandis que la seconde se consacre au « chacun », c’est-à-dire au particulier. La laïcité se conjugue au pluriel ; la finance islamique au singulier.