Dynamique Kivu
Perspectives et opportunités au coeur du Parc National des Virunga
Entretien avec François-Xavier de Donnea, Ministre d’état, Président de la Fondation Virunga Belgique, Membre du Conseil d’Administration, de la Virunga Foundation (UK) et du Virunga Fund Inc avec Bernard de Gerlache, Past President and Head of section RDC – CBL-ACP et
Thierry Claeys Bouuaert, Vice Chairman CBL-ACP.
Propos recueillis par Alexis Biton, Research Assistant CBL-ACP.
En République Démocratique du Congo, la région du Nord-Kivu est souvent synonyme de guerre ou de misère. Pourtant, de nombreuses initiatives existent pour redonner espoir aux populations mais aussi pour permettre de préserver et de valoriser un territoire parmi les plus façinants du continent.
Le Parc National des Virunga, géré pour le compte de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) par la Virunga Foundation, sous la direction d’Emmanuel de Merode, permet de redonner un second souffle à la région à travers un objectif principal : protéger la biodiversité locale, unique au monde. Le parc s’étend sur 790 000 ha et possède une diversité d’habitats incomparables, allant des marécages et des steppes jusqu’aux neiges éternelles du Ruwenzori, à plus de 5 000 m d’altitude, tout en passant par les plaines de lave et les savanes sur les pentes des volcans.
L’objectif de la Fondation Virunga est double; permettre la protection de l’environnement et y associer les quelque 4 millions d’habitants en stimulant le développement économique de la région, qui reste parmi une des plus pauvres du pays. L’objectif écologique ne sera atteint que si les populations adhèrent au projet. La Fondation Virunga l’a parfaitement compris :
la richesse du parc doit aussi être valorisée par la construction de nombreuses infrastructures locales. Les plus emblématiques d’entre elles sont les nombreux projets de centrales hydroélectriques au fil de l’eau (fonctionnant par conduite forcée), financées par la fondation Howard Buffet, le Fond européen de Développement, le CDC britannique et la CTB. Leur gestion est confiée à une filiale congolaise de la Virunga Foundation, Virunga SARL. Deux centrales ont pour l’instant vu le jour et deux autres sont actuellement en projet. D’une puissance de 13,6 MW la centrale de Matebe, dans le Rutshuru, concrétise ainsi l’espoir d’une population qui jusque là était cantonnée à l’utilisation du «makala» (charbon de bois) beaucoup plus cher et cause de déforestation. Il faut relever le réel exploit technique réalisé en ces zones réputées encore instables par les techniciens et ouvriers congolais qui ont œuvré à la réalisation de ce projet. En mettant exactement 24 mois entre le premier coup de pioche et l’inauguration de la Centrale en décembre 2015. Chantier mené tambour battant sous la férule du très expérimenté Ingénieur belge, Michel Verleyen.
Mis à la disposition de la Fondation Virunga par l’UE pour compte de laquelle il supervise aussi l’ensemble de ses chantiers financés et réalisés dans la partie Est de la RDC.
Depuis l’ouverture de la centrale, les conditions de vie de la population se sont nettement améliorées. L’électricité produite étant largement meilleur marché que d’autres énergies fossiles (de 4 à 5 fois moins chère), l’accès y est donc facilité et les foyers peuvent désormais en bénéficier par un système de prépaiement avantageux mis en place par Virunga SARL. Les infrastructures publiques disposent de tarifs préférentiels, l’hôpital de Mutwanga est ainsi parvenu à économiser plus de 60 000 dollars, nous confiait avec fierté François-Xavier de Donnea.
Une partie de la région dispose donc désormais de l’électricité nécessaire pour accueillir de nombreuses entreprises qui sauront profiter des nombreux atouts que possède le territoire. Une multitude d’entrepreneurs congolais n’hésitent donc plus à se lancer dans l’aventure, d’autant qu’en parallèle à l’électrification de la région, toujours sous l’impulsion du parc, des routes de desserte agricole, des écoles et des adductions d’eau ont été rénovées. La rénovation de routes facilite le désenclavement de zone de production agricole de la région. L’économie locale se relève ainsi progressivement après des années difficiles de guerre civile et les perspectives s’annoncent toujours plus enthousiasmantes.
Fort de ce renouveau, la région espère aussi favoriser l’installation d’entreprises étrangères. Deux secteurs d’activité en particulier sont privilégiés: l’agro-industrie et le tourisme. Le territoire dispose en effet de nombreuses terres arables propices à une agriculture diversifiée et s’ouvre à des initiatives de transformation des productions locales. A Mutwanga, une savonnerie, la SICOVIR, a été créée. Elle donnera du travail à 400 personnes à plein rendement et se fournira en huile de palme produite localement. Ce sont 10.000 petits planteurs de palmiers à huile qui trouveront de meilleurs débouchés pour leur production. Relancer la filière papaïne est aussi une priorité, en donnant l’opportunité aux agriculteurs locaux de vendre leur production plus facilement. Des projets sont en cours concernant la production de café, de cacao, ainsi que des études sur les possibilités maraîchères de la région qui révèle un potentiel intéressant. Une étude de faisabilité est en cours avec la Faculté Agronomique de Gembloux.
Nous devons aussi mentionner l’important investissement – plus de 125 millions de USD – réalisé par le Groupe Castel en créant une importante brasserie, ultra-moderne, à Beni, d’une capacité de 500.000 hl/an. Inaugurée en 2012, cette unité de production parie aussi sur le grand potentiel de développement du Kivu et la dynamique de ses populations.
Le secteur touristique est aussi en plein développement. Les touristes sont de plus en plus nombreux à être attirés par le cadre exceptionnel que propose le parc. Monsieur de Donnea nous précisait que le parc avait en 2015 enregistré plus de 5000 nuitées, chose impensable il y a 3-4 ans. Les principaux atouts de la réserve résident dans la possibilité d’observer des gorilles de montagne, créature symbole de toute la région, ainsi que tout un écosystème fabuleux. Mais la pièce maîtresse du territoire reste le volcan Nyiragongo et son lac de lave, qui est tout bonnement le plus important du monde.
La région dispose indéniablement d’avantages comparatifs énormes en comparaison avec d’autres parcs d’Afrique, notamment sur les prix qui restent très largement en dessous de ceux pratiqués au Rwanda et en Ouganda ou dans d’autres pays de la Région des Grands Lacs.
Le tourisme reste le secteur dans lequel le parc espère créer le plus d’emplois. Pour cette raison, la sécurité des touristes reste la priorité maximale des autorités du parc, d’autant que de nombreuses tensions subsistent dans certaines zones.
La stabilité de la région reste la condition sine qua non pour assurer un développement pérenne. Six cents gardes (120 en formation) sont à ce jour employés par le parc afin de lutter contre le braconnage, la pêche et la production de charbon de bois illégales par des milices, mais aussi pour protéger la population, victime elle aussi d’exactions. Les rangers reçoivent un entraînement de forces spéciales. Ils sont dirigés par le directeur du parc, Emmanuel de Merode. « Ces hommes sont les clés de voûte du système, qui ne fonctionnerait pas sans eux », nous confirme Monsieur de Donnea. Malheureusement, le prix à payer est très élevé. Chaque année, de nombreux gardes
décèdent dans la guerre qu’ils mènent aux braconniers et autres milices menaçant le parc.
Le Nord-Kivu autrefois ravagé par les conflits, peut désormais se tourner vers un avenir meilleur. Toutefois, ce n’est qu’à travers des initiatives fortes telles que celle conduite par la Fondation Virunga qu’une région pleine d’atouts peut se sortir du marasme dans lequel la guerre l’a plongée. L’objectif de préservation de l’environnement ne peut être achevé que par une véritable politique de développement menée de concert avec les institutions publiques, privées et la société civile finalement principale garante de la richesse de son environnement.
Nous tenons à remercier François-Xavier de Donnea pour cet entretien enrichissant.
Fondation Virunga Belgique asbl
IBAN BE44 7320 3640 3545
www.virunga.org