AUDIT DU FMI : UNE REPRISE DE LA COOPÉRATION ÉCONOMIQUE INTERNATIONALE EN VUE ?

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Après 7 ans de désunion, la RDC pourrait renouer ses relations avec le Fonds Monétaire International (FMI). C’est en tous les cas la promesse tapie sous l’audit mené actuellement par l’institution internationale. Si cela se confirme, à quels changements peuvent s’attendre les investisseurs étrangers ? 

Tshisekedi a la volonté de « déboulonner le système dictatorial »

Cette annonce du FMI a été faite à la suite d’un discours que Félix Tshisekedi a tenu lors de son premier déplacement officiel hors du continent africain depuis son investiture.

À Washington, lors d’une conférence, le président a déclaré qu’il attendait l’appui américain pour se défaire du système dictatorial de son prédécesseur, Joseph Kabila : « Je le dis sans peur. Je suis là pour déboulonner le système dictatorial qui était en place. »

Hors c’était justement l’impunité du gouvernement précédent qui était la source de toutes les tensions avec le FMI. En 2012, l’institution avait brusquement interrompu son programme de coopération pour cause de soupçons de corruption sur fond de contrat minier. Cela mettait alors un terme au trois derniers décaissements du plan de 560 Millions de dollars qui avait été conclu en 2009.

Cette demande de Tshisekedi aux USA est donc aussi un appel à l’aide internationale pour combattre la corruption, pour sortir de la crise et pour raviver l’intérêt des investisseurs. Il n’a d’ailleurs pas manqué l’occasion, lors de ce voyage, de vanter les minerais stratégiques que détient son pays devant la chambre de commerce des États-Unis. 

Audit préalable de l’économie congolaise 

Du 22 mai au 4 juin 2019, les experts du département Afrique du FMI étaient à Kinshasa pour entamer les consultations au titre de l’article IV (voir encadré). 

Cet audit est le préalable que le FMI avait posé avant de rouvrir le cycle des négociations pour la conclusion d’un nouvel accord avec la RDC. Il permettra de savoir comment le FMI pourra aider la RDC, financièrement ou sous forme de programme. 

Mais ce n’est pas tout : « faire l’audit de l’économie de la RDC va nous permettre d’établir où sont nos forces, où sont nos faiblesses. Aussi voir où les politiques budgétaires peuvent être améliorées », a déclaré Christine Lagarde, directrice générale du FMI, lors de sa rencontre avec le président Félix Tshisekedi à Washington.

Devant la presse présidentielle, Lagarde a ensuite rappelé le rôle du FMI qui est d’aider les états. Elle s’est également fendue de quelques révélations plus concrètes : “La politique budgétaire de la RDC doit être améliorée sur le plan de la protection sociale de la population et on donnera des conseils appropriés au président de la RDC, et ensuite on verra financièrement, sur demande du président de la République, aide sous forme des programmes mais on n’a pas besoin du programme pour se mettre au travail”. 

Comment se passera le retour : les 11 freins à déboulonner

L’expression utilisée par Félix Tshisekedi peut signifier peu ou beaucoup. Le média Digitalcongo a traduit ce « déboulonnage » en une liste de 11 freins économiques qui, une fois « déboulonnés », devraient permettre de maximiser les recettes publiques et promouvoir l’entreprenariat. Il s’agit en quelque sorte d’une liste de doléances en vue d’améliorer le climat d’affaires. Le FMI n’ayant pas encore établi ses recommandations, nous pouvons nous permettre d’imaginer ce que l’on peut en attendre.

1. La corruption

Le phénomène, étant à l’origine du blocage de 2012, nous pouvons supposer que c’est l’un des plus grands travaux auquel Tshisekedi doit s’attaquer. Digitalcongo souligne par ailleurs que 20 milliards USD seraient perdus chaque année par la faute de la corruption, tous étages confondus. 

2. Le travail informel

Le travail au noir est si considérable qu’il serait, pour certains experts, l’économie réelle de la RDC. Les 10 millions de travailleurs informels supposés représentent un gigantesque manque à gagner pour le fisc congolais et, par ricochet, pour l’émergence économique du pays.

3. Les complications administratives

Les lourdeurs et les complications administratives, policières ou fiscales ne sont pas bonnes pour les affaires. D’après Digitalcongo, Tshisekedi aurait tout intérêt à entamer une simplification générale.

4. Le paiement non automatisé des amendes et autres taxes dues à l’état

La paiement de la main à la main finit généralement dans certaines poches au détriment des caisses de l’État. Le Trésor public passerait à côté de millions de francs congolais. 

5. Les exonérations indues

Entre toutes les lois et les décrets qui proclament des exonérations d’impôts ici et là, il est difficile de renseigner avec exactitude le poids financier des dépenses fiscales par an. Et cela sans compter les 4 milliards USD d’exonérations hors la loi selon les estimations de l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP).

6. La multiplicité des taxes

Les taxes, trop nombreuses, pourraient être parfois regroupées, parfois supprimées (lorsque la contrepartie prévue est absente). Le quotidien de tous les secteurs économiques en serait facilité. 

7. La non certification des ressources naturelles

La RDC est l’un des pays les plus riche au monde en ressources naturelles. Des études estiment la valeur de ces ressources à quelques 24 mille milliards USD. Or, le manque d’études d’évaluation et l’absence de certification ne permetent pas au pays de capitaliser sur ces ressources.

8. Le taux d’électrification

L’accès à l’électricité est encore marginal (10% du pays), ce qui fragilise l’industrie, mais aussi toutes les autres sociétés, qui sont privées des outils numériques. 

9. L’agriculture itinérante sur brûlis

Cette technique de culture archaïque est non seulement inefficace, mais elle est aussi dommageable pour la biodiversité congolaise. Une meilleure agriculture permettrait de s’affranchir de nombreuses importations de produits de première nécessité. 

10. La coupe du bois de chauffe

La lutte contre la déforestation est un autre chantier d’importance pour Tshisekedi. 

11. Faillite des entreprises publiques

L’État congolais possède un important portefeuille d’entreprises, dont nombreuses sont en difficulté. Étant donné leur importance dans l’économie nationale, et leur vocation structurelle (chemins de fer, routes, aéroports, énergie, mines, télécom, etc.) il est crucial de les redresser et de leur donner les moyens de fonctionner efficacement.

Ce que cela signifie pour les investisseurs

Avec l’importance de faire bonne figure aux yeux du FMI d’une part, et ce qu’implique la relance du programme d’aide de l’autre, nous avons de bonnes raisons de penser que de nombreux progrès seront réalisés prochainement.

Cet optimisme est d’autant plus opportun que Félix Tshisekedi ne se cache pas de vouloir marquer une rupture politique et d’attirer davantage les investisseurs étrangers.
Pour rester informés des évolutions des tractations RDC-FMI, nous vous recommandons de suivre de près les actualités congolaises.

L’article IV des statuts du Fonds Monétaire International (FMI) indique que celui-ci « exerce une ferme surveillance sur les politiques de change des États membres et adopte des principes spécifiques pour guider les États membres en ce qui concerne ces politiques ». 

Plus loin dans l’article, il est écrit que « chaque État membre fournit au Fonds les informations nécessaires à cette surveillance et, à la demande du Fonds, a des consultations avec ce dernier sur ces politiques. » 

En pratique, cette surveillance comprend une mission annuelle du FMI, durant laquelle de nombreuses questions économiques sont abordées : situation macroéconomique, finances publiques, réformes structurelles, situation du secteur bancaire et financier, etc.