Angola: Huit mesures pour sortir de la crise

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En janvier dernier, le conseil des ministres a adopté un mémorandum[1] détaillant un certain nombre de mesures destinées à surmonter les effets de la crise économique et financière traversée par le pays. Ces « huit commandements » représentent la stratégie officielle du gouvernement angolais afin de faire face aux défis actuels. Daniel Ribant, Responsable de la section Angola au sein de la CBL-ACP nous les commente ci-après.

1. « Assurer une augmentation contrôlée du déficit et de la dette publique pour relancer l’économie »

Le budget de l’Etat angolais pour 2016 prévoit un déficit de 781 milliards de kwanzas (environ $5 milliards au taux actuel) soit 5,5% du PIB du pays. C’est le troisième déficit en autant d’années. La dette publique devrait quant à elle s’établir à quelque $49 milliards à la fin cette année soit 49,7% du PIB. Il est bon de rappeler qu’au terme de la législation angolaise, la dette publique ne peut dépasser 60% du PIB, pourcentage qui serait en passe d’être atteint si on tient compte de l’endettement des entreprises publiques.

Une partie significative de cette dette a été accumulée depuis 2013. Selon une étude récente[1], le service de la dette extérieure représenterait 21,4% des revenus d’exportation du pays.

 

2. « Adapter le programme de remboursement de la dette publique au contexte actuel »

En langage financier, on peut traduire cette disposition comme une volonté de restructurer une partie de la dette publique actuelle. Il en avait été question à l’occasion de la visite du Président José Eduardo Dos Santos en Chine en juin 2015. On avait parlé à cette époque d’un rééchelonnement avec une période de grâce de deux ans. Rien n’a pourtant été officiellement confirmé.

Une restructuration semble logique et inévitable dans la situation présente. Mais elle implique une renégociation des conditions, notamment au niveau du taux d’intérêt. Pour rappel, le dernier EUROBOND obtenu par l’Angola en novembre 2015 ($ 1,5 milliard – 10 ans) était assorti d’un taux de 9,5% reflétant déjà la dégradation du risque.

Même si les réserves du pays ont diminué de quelque 20% depuis 2013, on peut considérer qu’elles demeurent d’un montant acceptable à $24,890 milliards[2] représentant plus de six mois d’importation. La diminution des réserves s’explique principalement par l’alimentation du Fonds souverain et, dans une moindre mesure, par la défense de la monnaie nationale.

 

3.« Augmenter les recettes fiscales “non-pétrolières”»

En dépit de la baisse du prix du brut, les recettes fiscales « non-pétrolières «  ne représentent qu’environ 10% du PIB. Une contribution particulièrement faible que le gouvernement voudrait augmenter de manière significative. Les mesures prévues sont classiques et portent sur une meilleure perception des impôts et taxes, notamment auprès des contribuables qui réussissent encore à éviter la taxation. Le revenu cadastral sera revu et une taxe de 0,1% sur les transactions bancaires a été instaurée.

Il est clair toutefois que la crise économique et la volonté de diversification auront un effet négatif sur certaines recettes fiscales. Moins d’importations c’est aussi moins de droits de douane.


4. « Optimiser les dépenses publiques relatives au personnel, aux pensions et au fonctionnement et acquisition de biens en capital »

Les mesures « d’optimisation » sont de véritables coupes sombres dans les dépenses et elles portent notamment sur :

  • Le gel du recrutement dans la fonction publique à l’exception des postes nécessaires dans les secteurs de l’éducation et la santé où des dérogations pourront être accordées ;
  • Le recensement biométrique de tous les fonctionnaires ainsi que les bénéficiaires de pensions (notamment des anciens combattants) ;
  • L’optimisation du cadre des missions diplomatiques et consulaires ;
  • La rationalisation des participations des fonctionnaires aux congrès, séminaires, conférences à l’extérieur du pays ;
  • L’optimisation des subventions sur les prix des combustibles, de l’énergie, des transports en commun… Cette mesure était recommandée par le FMI. Elle s’est déjà traduite par plusieurs augmentations du prix du carburant à la pompe ;

La politique d’optimisation des dépenses publiques est certainement nécessaire mais elle devra toutefois composer avec des considérations politiques tenant compte notamment des élections législatives d’août 2017.


5. « Augmenter la captation et l’efficacité des investissements privés »

L’investissement étranger est indispensable afin d’assurer la diversification de l’économie et la croissance économique du pays. Le gouvernement a pris un certain nombre de dispositions afin de le faciliter et de le stimuler. La création de l’APIEX[3] et la nouvelle loi sur l’investissement privé (lei 14/15 du 11 août 2015) supprimant notamment l’exigence minimale de $1 million en sont les principales manifestations

Beaucoup d’analystes considèrent que l’ambition du gouvernement d’accroître les investissements privés de $10 milliards sur les deux prochaines années sera très difficile à rencontrer dans le contexte actuel.

 

6. « Augmenter la production interne des biens composant ‘’le panier de la ménagère’’ et ceux destinés à l’exportation »

Le sol angolais est particulièrement fertile et il pourrait aisément combler les besoins alimentaires de la population. Malheureusement, la longue guerre civile a déstructuré l’économie traditionnelle en la transformant en une économie d’importations. Inverser la tendance et redonner à l’agriculture toute son importance sont les priorités du gouvernement qui a lancé des programmes facilitant l’entreprenariat privé. Le projet prendra nécessairement du temps dans la mesure où les problèmes d’alimentation en énergie et de formation professionnelle devront être réglés en parallèle. Mais il est clair que la crise actuelle rend cette mesure incontournable.

 

7. « Adopter des mesures et incitants divers pour la promotion des exportations à court terme »

L’ambition du gouvernement angolais est non seulement d’économiser les devises en réduisant la facture des importations mais également d’en « faire rentrer » en exportant davantage. Le ministère du Commerce a élaboré un plan visant à développer la compétitivité des entreprises nationales tout en attirant des sociétés étrangères susceptibles d’exporter des produits fabriqués localement. La mise en œuvre de ce plan devrait s’accompagner de la mise en place d’un cadre légal simplifié et d’incitants fiscaux pour les sociétés exportatrices.

En décembre dernier, le pays a inauguré sa première aciérie[4] résultant d’un investissement privé de l’ordre de $300 millions bénéficiant d’une couverture partielle du MIGA (Banque Mondiale). Cette réalisation a été saluée par les autorités non seulement pour son impact sur l’économie locale (autosuffisance en acier, emploi, électrification de la région) mais également sur les perspectives offertes au niveau de l’écoulement des produits dans les pays voisins (RDC, Zambie, Congo)


8. « Rationaliser l’importation des biens et services »

Les devises étrangères sont allouées en fonction des besoins jugés prioritaires pour l’économie du pays : produits alimentaires, médicaments, matières premières pour les industries locales, services pétroliers. Mais dans le contexte actuel, cette disposition s’apparente davantage à une « gestion de la précarité », les liquidités disponibles ne permettant pas toujours de satisfaire les besoins des importateurs de ces produits. Et à ces nécessités immédiates s’ajoutent naturellement celles découlant de l’indispensable diversification économique (importation d’équipements, d’engrais, de tracteurs…).

 

[1] Business Monitor International, Angola Country risk report , Q1 2016, p.18.

[2] Chiffres BNA novembre 2015.

[3] “Agência para a Promoção do Investimento e Exportações de Angola” (APIEX) est l’organisme ayant remplacé l’ANIP en facilitant le traitement des propositions d’investissements. Ainsi, celles ne dépassant pas $10 millions peuvent être approuvées au niveau des ministères concernés et non plus au niveau de l’exécutif.

[4] ADA « Aciera de Angola ».

[1] « Memorando sobre as linhas mestras para a definção de uma estratégia para a saida da crise”