Pourquoi vous intéressez-vous au secteur de l’énergie en République Démocratique du Congo ?
C’est très simple, il existe un immense marché potentiel pour l’énergie solaire au Congo en raison des problèmes et insuffisances dans la production et la distribution de l’électricité. Les visiteurs et habitants du Congo subissent des coupures de courant quotidiennes, même dans les plus grands hôtels et les meilleurs quartiers de Kinshasa. Environ 10 % seulement de la population est connectée au réseau électrique, et les campagnes et villages sont souvent totalement déconnectés. En 2024, il est difficile d’imaginer cela en Europe, mais l’électricité reste un luxe au Congo.
Le déficit énergétique est estimé à 2000 MW dans la région du grand Katanga pour l’industrie minière et à 1000 MW à Kinshasa.
Notre société propose des solutions pour pallier cette pénurie d’électricité grâce à des systèmes basés sur l’énergie solaire, allant des kits portables pour éclairer une pièce et charger un téléphone, jusqu’à des centrales solaires équipées de batteries LFP pour les maisons, les entreprises, les villages et les grandes industries minières.
Le principal responsable de cette pénurie est la société nationale d’électricité du Congo, la SNEL (qui n’a aucun lien avec ma famille malgré le même nom). La SNEL, entreprise publique chargée de la production et de la distribution de l’électricité, souffre depuis longtemps de problèmes de gestion et de manque de moyens pour investir dans de nouvelles centrales, entretenir et moderniser le réseau électrique, victime de vols de câbles en cuivre et de paiements irréguliers de ses clients, y compris du gouvernement.
La SNEL mise sur le potentiel hydroélectrique immense du Congo, estimé à 100 000 MW, grâce notamment au fleuve Congo, le deuxième plus grand fleuve du monde. Plusieurs barrages ont déjà été construits à INGA, formant la base de la production électrique du pays. Ces barrages peuvent générer de l’électricité à faible coût en grande quantité (plusieurs centaines de MW), mais les travaux et études prennent beaucoup de temps. Le projet du barrage géant INGA 3, qui devrait suffire pour tout le Congo et permettre d’exporter de l’électricité jusqu’en Afrique du Sud, est un bon exemple : on en parle depuis 20 ans, mais le chantier n’a pas encore commencé.
Au cours des quatre prochaines années, la SNEL prévoit un grand programme de rénovation et de modernisation de son réseau, qui pourrait générer 500 à 600 MW supplémentaires. Cependant, cela reste loin des 3000 MW actuellement nécessaires.
Depuis longtemps, la population utilise du Makala (charbon de bois) pour cuisiner, ou des générateurs électriques fonctionnant au diesel dans les villes et quartiers plus aisés. Ces solutions ne sont pas idéales pour lutter contre le réchauffement climatique. De plus, les générateurs diesel nécessitent un entretien régulier, produisent du bruit et des odeurs, et le diesel est coûteux et parfois difficile à approvisionner.
Le Congo doit trouver des solutions complémentaires aux barrages, qui soient décentralisées et indépendantes du réseau existant, compte tenu de l’étendue du territoire et de l’importance du déficit énergétique. L’énergie solaire est la meilleure solution à court terme pour électrifier les campagnes, permettant de créer des mini-réseaux flexibles et décentralisés, rapidement opérationnels et à un coût par kW inférieur à celui des générateurs diesel.
De plus, elle peut compléter le réseau existant dans les villes, les administrations et l’industrie, tout en restant connectée au réseau lorsque celui-ci fonctionne.
L’énergie solaire est sans doute la meilleure solution à court terme pour résoudre le manque d’énergie au Congo, tant dans les campagnes que dans les villes. Cependant, elle est encore peu développée au Congo par rapport à des voisins comme la Zambie, qui génère déjà 200 MW grâce au solaire.
Nous avons participé à la plus grande conférence annuelle du Congo sur l’énergie, organisée par la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) à Kolwezi, centre de l’industrie minière du cuivre et du cobalt au Congo. Notre délégation de 11 personnes comprenait des entrepreneurs chinois spécialisés dans les équipements solaires, des managers belges ayant une longue expérience des affaires au Congo, et des cadres congolais de l’Ambassade du Congo en Chine, afin de faciliter le développement de centrales solaires au Congo.
Le Congo doit trouver des solutions complémentaires aux barrages, qui sont décentralisées et indépendantes du réseau existant vu l’étendue du territoire et l’importance du déficit. L’énergie solaire est la meilleure solution à court terme pour électrifier les campagnes, car elle permet des mini-réseaux flexibles et décentralisés qui peuvent être mis en route rapidement à un coût au KW inférieur à celui généré par les générateurs électriques fonctionnant au diesel.
Quels sont les services offerts par votre entreprise pour répondre à la crise énergétique ?
Notre société est une centrale d’achat basée en Chine qui assiste les entreprises et administrations du Congo et d’autres pays africains dans leurs achats et l’installation d’équipements pour des projets d’énergie solaire et de transformation agricole. Dans le domaine de l’énergie solaire, nous proposons quatre lignes de produits répondant à différents niveaux de demande, bien que nous nous concentrions principalement sur les centrales de moins de 1 MW.
- Mini Kits Portables de 1000 Wh ou 1 kWh maximum : Conçus pour les familles et les individus, ces kits répondent aux besoins de base d’éclairage et de recharge de téléphone ou d’appareils essentiels tels que les PC, ventilateurs, radios et télévisions.
- Kits rÈsidentiels : Ces systèmes comprennent des panneaux photovoltaïques (solaires) installés sur les toits des bâtiments ou au sol, connectés à des onduleurs pour convertir le courant continu des panneaux en courant alternatif de 220 V ou 380 V. Ils incluent également des batteries pour stocker l’énergie pour le soir et la nuit.
La puissance maximale de ces systèmes varie de 2 kW à 50 kW de panneaux PV, avec des batteries pouvant stocker de 50 à 100 kWh d’énergie électrique. - Centrales solaires pour les villages : Ces systèmes vont de 100 à 500 kW de panneaux, avec des banques de batteries de 100 kWh à 1 000 kWh ou 1 MWh. Ils sont généralement hors réseau (off-grid) et nécessitent l’installation de lampes de rue solaires, ainsi que des compteurs électriques et des connexions entre la centrale et chaque maison du village. Ce travail est pris en charge par la nouvelle agence gouvernementale ANSER, créée pour électrifier les villages et alléger le fardeau de la SNEL.
- Solutions pour les industries : Principalement destinées aux mines de cuivre et de cobalt dans les régions de Kolwezi et Lubumbashi, ces solutions répondent à des besoins de 1 MW minimum à 20 MW ou plus pour les opérations et le développement des usines de traitement des minerais. Les progrès technologiques et la baisse des coûts des batteries au lithium permettent le développement de systèmes de stockage d’énergie (ESS), fournissant des conteneurs de 20 à 40 pieds avec une capacité de 2 à 5 MWh par conteneur.
Notre société a choisi de se développer progressivement en répondant d’abord aux besoins les plus urgents des familles et des villages, souvent hors réseau et ne pouvant pas mener une vie normale. Naturellement, nous répondons également aux besoins des entreprises et administrations dans les villes.
Comment s’est déroulée la visite de votre délégation à la conférence nationale sur l’Énergie ‘NRJ7’ à Kolwezi, du 9 au 11 mai 2024 ?
La visite de notre délégation sino-belgo-
congolaise a été très bien accueillie par les participants congolais à la conférence ainsi que par les communautés, villages et administrations de Lubumbashi et Kolwezi.
Trois entreprises chinoises basées dans la province de Guangdong, entre Canton et Shenzhen, étaient représentées dans notre délégation :
- Galaxy : Fabricant d’onduleurs et de batteries LFP, avec plus de cinq ans d’expérience au Ghana et au Nigeria, où la société a établi quatre filiales avec stock et support technique.
- Sumworth : Société avec plus de 20 ans d’expérience dans les kits portables pour les familles, les chauffe-eau solaires et les panneaux photovoltaïques.
- Alltop : Spécialisée dans les lampes de rue intégrant un panneau solaire, des batteries au lithium et des lampes LED intégrées dans un boîtier. Cette société a une longue expérience en Afrique dans l’éclairage public, notamment à Kolwezi où nous avons pu visiter leurs réalisations récentes. Elle a également fourni des lampes de rue solaires pour la dernière Coupe du Monde au Qatar.
Nous avions la chance d’avoir Mr Thierry Claeys Bouuaert avec nous, comme conseiller (Ancien DG de la banque BCDC, responsable de la section bilatérale RDC auprès de la CBL-ACP). Grace à son réseau et sa longue expérience du Congo nous avons pu réaliser des contacts très intéressants et notamment avec un groupe de 24 chefs de village réunis dans un hôtel de Kolwezi qui étaient très intéressés par nos
centrales solaires pour villages vu l’absence de réseau dans ces villages.
Quels sont les résultats de votre participation à cette conférence ?
Nous avons eu l’occasion de rencontrer les principaux acteurs et grands clients du secteur énergétique au Congo, ce qui nous a permis de mieux comprendre le marché congolais de l’énergie électrique sur le terrain, notamment dans le cœur industriel et minier du pays. L’énergie solaire n’étant pas encore bien connue et développée au Congo, ce thème n’a pas été largement abordé dans les présentations et discours des intervenants de la conférence.
Nous avons appris que les grands groupes miniers sont obligés d’acheter de l’électricité en Zambie et d’installer des parcs géants de générateurs diesel de 10 à 20 MW pour répondre à leurs besoins en énergie. Le coût du kWh généré par ces méga générateurs diesel est de 30 à 35 cents par kWh, tandis que le prix de vente du kWh facturé par l’unique centrale solaire de la région du Grand Katanga (que nous avons visitée près de Kolwezi) est de 13 cents le kWh. Cela démontre clairement la faisabilité économique des centrales solaires au Congo.
Nous avons visité la première centrale solaire du Grand Katanga de 2 MW, construite par la société Kipay, dirigée par le vice-président de la FEC,
M. Eric Monga, également organisateur et fondateur de la conférence NRJ au Congo. Cette centrale, installée par des ingénieurs congolais et une entreprise congolaise, sert de modèle pour prouver le potentiel et la faisabilité des grandes centrales solaires au Congo. Grâce à un système de batterie ESS, cette centrale de 2 MW fournit environ 2 MW à la grande mine TFM pendant 12 heures par jour. De plus, la puissance de cette centrale devrait augmenter considérablement dans les années à venir, atteignant jusqu’à 48 MW.
Notre visite à Lubumbashi et Kolwezi a permis à nos partenaires chinois de prendre conscience du potentiel énorme de l’énergie solaire au Congo et de rencontrer des clients potentiels parmi les groupes miniers, les villages (comme mentionné précédemment) et les grandes agences clés du secteur telles que l’ANSER. Nous avons pu visiter leur siège à Kinshasa quatre jours plus tard pour discuter concrètement de nos offres solaires et de leurs besoins. Nous avons également appris davantage sur la libéralisation du marché de l’énergie électrique lancée par le gouvernement il y a sept ans et les conditions pour pouvoir vendre l’énergie électrique produite par une centrale privée.
En réponse à la demande de l’ambassadeur du Congo en Chine et au souhait du président Tshisekedi de développer l’industrie de transformation des minerais, tels que le cuivre et le cobalt, en produits finis ou semi-finis comme les câbles électriques et les batteries, nous avons discuté de la possibilité d’implanter des ateliers d’assemblage de batteries ou de kits solaires de base au Congo avec le professeur Dr Jean-Marie Kanda, directeur du CAEB (Centre Africain d’Excellence pour les Batteries).
Enfin, cette conférence nous a permis de découvrir d’importantes sources de financement auprès des banques locales pour les micro-crédits aux consommateurs et via les grandes agences d’aide et de développement étrangères, telles que Power Africa de l’USAID et l’agence de financement de l’Union Européenne. Cela nous a permis de comprendre que le financement existe et n’est pas le principal obstacle, mais que la réalisation et l’installation des centrales solaires sur le terrain constituent la plus grande difficulté, comme dans de nombreux autres secteurs au Congo.
Quel support l’ambassade du Congo en Chine vous a-t-elle fourni pour l’organisation de cette délégation et quel rôle peut-elle jouer dans vos projets énergétiques sino-congolais ?
Son Excellence, M. François Balumuele, Ambassadeur du Congo en Chine, nous a fortement soutenus et aidés dans l’organisation de cette délégation, facilitant un accès privilégié aux principaux acteurs de la conférence. En effet, le premier secrétaire de l’ambassade nous a accompagnés à Lubumbashi et Kolwezi, et l’un des conseillers de l’Ambassadeur nous a assistés tout au long de notre voyage jusqu’à Kinshasa pour organiser des réunions avec les administrations et les acteurs clés.
L’Ambassadeur est bien conscient que la Chine est le principal, sinon l’unique, fournisseur d’équipements pour les centrales solaires (panneaux photovoltaïques, batteries et même onduleurs). Il sait également que les acheteurs congolais ont besoin de conseils pour approcher les fournisseurs chinois de manière efficace, afin d’éviter les surfacturations souvent rencontrées dans les appels d’offres pour les grands projets au Congo.
Avant notre voyage, l’Ambassadeur a visité avec nous deux usines participantes à cette délégation pour les encourager à entreprendre ce voyage et leur confirmer que l’ambassade souhaitait les soutenir dans le développement de centrales solaires et de projets d’éclairage public au Congo, en partenariat avec des entreprises chinoises et notre société. De plus, l’Ambassadeur a souligné le souhait du gouvernement congolais de développer des projets industriels de transformation de matières premières ou des ateliers de montage d’équipements solaires.
Quel message ou quelle recommandation souhaitez-vous transmettre à nos électeurs et aux membres de la CBL-ACP ?
Le marché africain, et plus particulièrement celui du Congo, offre un potentiel immense pour les sociétés belges désireuses de développer des projets dans l’énergie solaire avec des partenaires chinois. Les entreprises belges disposent d’une vaste expérience et d’un savoir-faire précieux dans la réalisation de projets au Congo, tandis que les entreprises chinoises sont expertes en équipements solaires mais manquent de l’expérience et du savoir-faire belge dans ce pays.
En nous associant avec les Chinois, nous pouvons réaliser des projets qui seraient impossibles à mener seuls aujourd’hui. En apportant notre connaissance unique du marché (langue, culture, histoire, compréhension des mentalités, approche du marché et professionnalisme dans les achats et la gestion de projet), nous pouvons nous impliquer dans des projets d’envergure que nos industries ou financiers ont dû abandonner ces dernières années.
De manière générale, les Belges devraient se réimpliquer dans le marché congolais malgré les difficultés opérationnelles et l’histoire commune parfois compliquée. Nombreux sont les Belges qui possèdent une connaissance et une expérience unique du Congo, des atouts qui ne sont plus suffisamment exploités.
De plus, quelle satisfaction de pouvoir offrir la lumière et l’électricité aux populations locales. Cela transforme leur vie et procure une joie et une fierté qui valent tous les efforts.
Baudouin SNEL
CEO China Africa Sourcing
www.chinaafricasourcing.com