RDC & Assurances

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RDC & Assurances

L’assurance « vit » en République démocratique du Congo

Herman Lemaire & Luca Roscini
AB LEGAL I Bruxelles, Kinshasa, Lubumbashi, Yaoundé.

1.

À l’instar de la loi relative au secteur de l’électricité, la loi
n° 15/005 du 17 mars 2015 portant Code des assurances s’inscrit dans le cadre des réformes initiées par la République démocratique du Congo en vue de libéraliser certaines activités économiques essentielles au développement du pays.

L’ouverture du marché de l’assurance représente assurément un véhicule incontournable de croissance économique : l’arrivée massive de compagnies d’assurances étrangères, attirées par un marché en expansion, entrainera la création d’emplois, rassurera les investisseurs nationaux et étrangers qui peuvent couvrir les risques liés à leurs activités entrepreneuriales tandis que l’imposition des primes génèrera des revenus pour l’Etat.

Le secteur des assurances, jusqu’ici régi par des textes disparates et anachroniques qui datent des années 30 aux années 70, abrogés dans la foulée – se trouve reformé de fond en comble, harmonisé en un seul corps de dispositions.

Les principales innovations de cette réforme sont1 la fin du monopole légal de la Société Nationale d’Assurances (« SONAS »)2 l’adoption d’un corps de dispositions complet réglant tous les aspects du secteur et la mise en place d’un cadre institutionnel et de mécanismes de contrôle de l’Etat, notamment à travers le système d’agrément préalable et la création de deux organismes, l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Assurances (« ARCA ») avec un rôle éminemment technique et le Conseil Consultatif des Assurances (« CCP »), avec une mission consultative.

2.

Le nouveau Code vise les opérations d’assurances (et coassurances) directes et de réassurances réalisées sur le territoire du pays ainsi que celles qui viennent en complément et après épuisement des garanties accordées par la sécurité sociale, dont les opérations sont en revanche expressément exclues du champ d’application de la loi.

L’activité d’assureur et de réassureur est désormais ouverte à des opérateurs nationaux – autre que la SONAS – et internationaux, pour autant que ces derniers établissent une filiale en République démocratique du Congo.

La loi exige que les entreprises qui souhaitent se livrer aux opérations d’assurances et de réassurances se constituent sous la forme de société anonyme non unipersonnelle avec un capital minimal, apport en nature exclus, de 10.000.000.000 de Francs congolais ou sous la forme de mutuelles dotées d’un fond d’établissement minimal, apports en nature exclus, de 3.000.000.000 de Francs congolais. Les opérateurs étrangers peuvent exceptionnellement être autorisés par le ministre ayant le secteur des assurances dans ses attributions et après avis de l’ARCA à opérer sur le territoire national lorsqu’aucune entreprise nationale n’est en mesure d’offrir une couverture adéquate d’un risque ou d’une catégorie de risques spécifiques et ce, moyennant le respect de certaines conditions.

Les opérateurs qui remplissent ces exigences préliminaires doivent ensuite solliciter, afin de pouvoir effectivement opérer, une agréation préalable auprès de l’ARCA.  Les critères pris en compte par cet organisme sont les moyens techniques et financiers déployés par le candidat, l’honorabilité et la qualification de ses mandataires et la situation globale du marché. Une agréation est requise également pour les entreprises étrangères admises à opérer en République Démocratique du Congo dans les conditions restrictives rappelées supra ainsi que pour les entreprises qui limitent leurs activités à la réassurance mais uniquement dans certaines limites.

L’agrément, qui se concrétise par la notification d’un avis favorable de l’ARCA, est soumis aux formalités de publication au Journal Officiel. Le candidat qui, en revanche, a fait l’objet d’un avis défavorable – total ou partiel – motivé, dispose d’un délai de deux mois à partir de sa notification pour se pourvoir devant le ministre ayant les assurances dans ses attributions. Ce recours s’ouvre également à défaut d’une quelconque notification, à l’expiration d’un délai de trois mois du dépôt de la demande d’agréation. La loi reste toutefois muette quant au délai dans lequel le ministre doit prendre position ou à son éventuelle absence de réponse. Soulignons également que sont nuls les contrats conclus avec des entreprises non agréées, sauf si le souscripteur est de bonne foi.

Enfin, les opérateurs d’assurances et réassurances sont appelés par la loi à s’organiser au sein d’une association professionnelle dont les statuts doivent être approuvés par un arrêté du ministre ayant la charge des assurances.

Les autres opérateurs auxquels le nouveau Code s’intéresse en toute logique sont les intermédiaires d’assurances ou de réassurances. Les assureurs et réassureurs ne sont en effet pas les seuls à pouvoir, par le biais de leurs employés, prospecter le public et récolter de nouvelles souscriptions. S’y ajoutent les personnes physiques ou morales immatriculées au Registre du  Commerce et du Crédit Mobilier (« RCCM ») et agréés par l’ARCA en tant que courtiers, les personnes physiques ou morales titulaires d’un mandat d’agent général d’assurances et les personnes physiques agissant en tant qu’indépendants mais rémunérés à la commission. L’employeur et le mandant répondent de la faute de leurs préposés et mandataires au titre de la  responsabilité civile.

Les agents généraux et les courtiers doivent, afin d’obtenir l’agrément préalable à l’exercice de la profession,  répondre à des exigences d’honorabilité, de capacité et posséder la qualification et l’expérience professionnelle.

Notons que la possession de la nationalité congolaise est, aux termes de la loi, l’une des condition pour l’exercice de cette profession, sous réserve, pour les étrangers de la condition de réciprocité.

Les intermédiaires devront aussi constituer entre eux une association professionnelle dont les statuts, le règlement intérieur et les règles déontologiques seront approuvés par l’ARCA.

Les opérations d’assurances et réassurances, le fonctionnement des opérateurs et intermédiaires et leurs relations avec le public sont minutieusement réglementés par le Code des assurances. Les dispositions impératives, qu’il n’est pas possible de présenter dans le cadre de ce bref exposé, sont légion et leur non-respect est passible de sanctions. L’agrément est dès lors susceptible de suspension, caducité ou retrait.

Se greffe sur cette règlementation complète et détaillée, le contrôle continu que l’Etat assure à divers niveaux dans l’intérêt des assurés, souscripteurs et bénéficiaires de contrats.

Relevons enfin, parmi les innovations du Code, la création d’un fonds de garantie automobile destiné à indemniser les victimes des accidents de la circulation dont l’organisation et le fonctionnement seront ultérieurement précisés par décret.

 

3.

Si l’arsenal juridique congolais peut ainsi se targuer  d’un nouvel outil, sa mise en œuvre effective n’est, en revanche,  pas sans hésitations. Le Code des assurances est officiellement entré en vigueur le 17 mars 2016.

La SONAS a donc depuis lors perdu son monopole de iure en faveur des opérateurs d’assurances privés, lesquels disposent de trois mois pour se mettre en conformité avec la loi.

Des groupes internationaux ont déjà pris les devants et constitué des filiales en République démocratique du Congo.

L’interdiction de souscrire une assurance directe pour un risque concernant une personne ou un bien situé en République Démocratique du Congo auprès d’une entreprise étrangère ou non agréée est désormais de mise pour les congolais.
À l’instar de ce qui s’est produit lors de la mise en œuvre de la loi sur l’électricité, où la mise en place de l’Autorité de Régulation connaît des atermoiements,  et bien que la primature ait adopté le 26 janvier 2016 le Décret n°16/001 portant création, organisation et fonctionnement de l’Autorité de régulation et contrôle des assurances, à l’heure où nous écrivons, les membres qui doivent animer les organes de l’ARCA n’ont toujours pas été désignés.
De ce fait, bien que le nouveau Code soit en vigueur, il n’est pas encore applicable dans la pratique.

Les opérateurs du secteur ne peuvent toujours pas opérer à défaut d’agrément, la SONAS continuant de la sorte à engranger des contrats dans une situation de monopole de fait.

Par ailleurs, la SONAS, qui devra dorénavant opérer comme société commerciale, n’assurera plus son rôle de régulateur. Ceci posera des problèmes majeurs ; pensons par exemple aux procédures de renouvellement des cautions bancaires ou à l’établissement de la liste des diplômes admis pour accéder à la profession de courtier.

Gageons toutefois que la désignation des membres qui doivent animer l’ARCA ne tardera plus longtemps, à peine de décourager les nouveaux opérateurs et de tenir en échec le développement du secteur des assurances.


1    Loi n° 14/011 du 17 juin 2014
2    Le monopole trouve son fondement dans l’Ordonnance-Loi
n° 67/240 octroyant le monopole des assurances à la
Société Nationale des Assurances, en sigle SONAS center;
The Canadian Trade Commissioner Service