Le Sénégal sur la voie de l’émergence

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Le Sénégal est une plaque tournante régionale pour l’Afrique de l’Ouest. De nombreuses entreprises internationales y établissent leur siège afin d’exporter biens et services vers l’ensemble du continent. Le pays a de nombreux atouts indéniables ; une stabilité politique démocratique, des taux de croissance économique alléchants et de nombreux accords préférentiels[1] avec des partenaires clés.

 

En janvier 2014 à Paris, le Sénégal a présenté le Plan Sénégal Emergent qui devrait transformer l’économie en profondeur pour pérenniser sa croissance et apporter plus de bien-être et de richesse à la population urbaine et rurale. Un plan qui a déjà convaincu les bailleurs de fonds et commence à porter ses fruits.

 

« Le Plan Sénégal Emergent répond à un impératif : il nous faut sans tarder placer notre pays sur la voie du progrès, par une transformation en profondeur de la structure de notre économie, une meilleure justice sociale et la poursuite de nos efforts de bonne gouvernance. » Macky Sall, Président du Sénégal.

 

Transformer l’économie du pays afin d’offrir plus de bien-être social et économique, un objectif noble et ambitieux. Pour y arriver, de nombreux moyens sont mis à disposition ; plan d’action, axes stratégiques, priorités, réformes phares et de nombreux projets de partenariats public-privé. L’objectif final ; faire du Sénégal un pays émergent en 2035 grâce à une croissance durable de l’ordre de 7%.

 

Pour réussir cet objectif, de grandes réformes dans les domaines de l’énergie, du foncier, de la logistique et des infrastructures, des technologies de l’information, de la communication et de l’environnement des affaires doivent être réalisées.

 

Lors de la présentation du PSE à Paris devant les bailleurs de fonds, l’objectif initial du gouvernement était d’obtenir un financement à la hauteur de 1.853 milliards de FCFA pour la période allant de 2014 jusqu’à 2018. Le plan nécessite un financement global de 9.988 milliards de Francs CFA.

 

L’objectif initial a été largement dépassé. Au terme de la table ronde, le Président Macky Sall a déclaré que les engagements des partenaires s’élèvent à 3.729,4 milliards de Francs CFA.

 

Le PSE repose sur trois axes stratégiques distincts, mais complémentaires. Le premier axe s’appuie sur la transformation de la structure économique en mettant l’accent sur la création de richesses et d’emplois. Le second fait la promotion du capital humain, élargit l’accès social et préserve les conditions d’un développement durable. Le tout en respectant les principes de la bonne gouvernance et l’intégration régionale qui forment le troisième axe, vital pour la réussite de l’émergence.

 

Le Plan en est à sa troisième année de mise en oeuvre. Le bilan est encourageant: sur les 27 projets phares, dix-sept ont été lancés, dix sont en phase d’exécution, un en phase d’exploitation et six en phase d’étude. Mais quels sont donc les chantiers les plus importants du PSE ?

 

Désengorger Dakar

La capitale du Sénégal compte 3,2 millions d’habitants et fait face depuis quelques années à de nombreux problèmes de mobilité. Poumon économique du pays, 50% des unités industrielles y sont établies. Pour permettre à Dakar de vivre mieux, la plateforme urbaine multifonctionnelle de Diamniadio a été imaginée. Cette ville située à trente kilomètres seulement de sa grande soeur est évidemment l’un des projets les plus importants en cours pour le moment.[2]

 

 

Augmenter la capacité énergétique

Les besoins en électricité excédent l’offre depuis plusieurs années, faisant de l’augmentation de la capacité de production énergétique l’une des priorités du Plan Sénégal Emergence. D’après le Banque Mondiale, la croissance annuelle a été freinée entre 2006 et 2011 jusqu’à 2 points à cause des délestages.[3]

 

Dès 2012, un plan d’action a été mis sur table. La modernisation de la Sénélec[4], avec l’appui des bailleurs (BAD et Banque mondiale), s’impose afin de renforcer le réseau et optimaliser la gestion des ressources.

 

Le Plan de relance intégré de l’électricité prévoit la mise en marche d’une série de mesures qui vont assurer l’augmentation de la capacité de production du pays.

 

Ainsi, les centrales à charbon de Kayar (350 MW), de Sendou (125 MW), de Tobène (fioul thermique et gaz, 70 MW) et de Contour Global au Cap des Biches (86 MW suite à l’extension en septembre) renforcent déjà la production.

 

Mais le PSE fait également la part belle aux énergies durables avec le projet phare de l’approvisionnement en hydrocarbures. Des partenariats public-privé, en collaboration avec la Banque Européenne d’Investissement, vont donner naissance à des nouvelles centrales.

 

Le service universel de l’énergie est un projet qui tient particulièrement à coeur au Président Macky Sall. Le gouvernement s’est engagé à non seulement faire baisser le prix de l’électricité[5], mais aussi à assurer au moins 60% d’électrification rurale en 2018 avec un minimum de 30% par région. Cela est vital pour que les campagnes continuent à être peuplées. Car si l’urbanisation est en progression constante au Sénégal[6], l’agriculture, qui est une priorité du PSE à travers l’autosuffisance en riz, ne peut fonctionner si les jeunes désertent la campagne.

 

L’agriculture et l’autosuffisance en riz

Avec 4 millions d’hectares de terres cultivables et 460 000 ha de champs irrigables, dont 130 000 ha aménagés, le Sénégal est un pays agricole par essence. Les objectifs en matière d’agriculture sont simples mais d’une importance cruciale : atteindre l’autosuffisance en riz, oignons et pommes de terre.

 

La demande globale de riz de la population sénégalaise est de plus d’un million de tonnes. La production intérieure atteignait 559 000 tonnes en 2014 mais a connu un bon important en culminant à 906 000 tonnes en 2015.[7] L’objectif de l’autosuffisance en riz pour 2018 est donc en route, reste à voir comment va être la récolte de l’année prochaine.

 

Les autres projets phares traitent de la restructuration de la filière d’arachides, une spécialité sénégalaise produite en masse chaque année et qui pourrait rapporter encore plus, le développement de 3 à 4 corridors céréaliers, le développement accéléré de l’aquaculture, 100-150 projets d’agrégation ciblés sur les filières hévéa et élevage ainsi que des micro-projets de soutien de l’agriculture familiale. Notons aussi le projet de fermes rurales dans la zone de la Valette où les conditions de vie sont améliorées grâce à la création d’emplois dans des fermes Natanguées (rurales et familiales). Le programme va créer 5.500 emplois directs et permanents au travers du maraîchage et 13.750 indirects grâce aux fermes. Un accompagnement et une formation sont prévus pour les jeunes qui se voient ainsi offrir un avenir plein de possibilités dans leur région natale.

 

Les soins de santé pour tous

Le Président Macky Sall souhaite rendre les soins de santé accessibles au plus large nombre de Sénégalais. L’objectif est fixé : atteindre 75% de couverture en 2017. L’année 2015 s’est clôturée avec une progression de 12%, amenant le taux de couverture à 32%.

 

Pour réaliser l’objectif, une agence a été chargée de réaliser la CMU – Couverture Médicale Universelle, dotée d’un budget de 50 milliards de FCFA. Elle devra redoubler d’efforts en 2016 et s’appuyer sur le programme de réforme des institutions de prévoyance maladie, le renforcement des politiques et de gratuité existantes, la gratuité des soins pour les enfants de moins de 5 ans et surtout le développement de la CMU de base via les mutuelles de santé fonctionnelles.

 

Nommons également le projet-phare de « Dakar Medical City », future cité hospitalière dotée d’infrastructures à la pointe de la technologie, semblables à celles dans les pays de l’hémisphère Nord, en Inde ou en Turquie. L’objectif de la DMC est de permettre au Sénégal de devenir un hub régional, au niveau médical. Près de 10.000 patients devraient ainsi séjourner dans la ville, qui sera le point de référence médical de l’Afrique de l’Ouest.

 

Inaugurer l’aéroport Blaise-Diagne

« Le nouvel Aéroport international Blaise Diagne de Diass (AIBD) ouvrira ses portes dans huit mois avec en perspective un train express rapide » a annoncé le Président Macky Sall lors du Forum Economique Mondial sur l’Afrique en juin 2016 à Kigali.

 

Le chantier peinait à se terminer à cause d’un désaccord entre le groupe de construction saoudien Saudi Bin Laden Group et l’Etat sénégalais. En avril, un accord a été trouvé, laissant place à la finalisation du chantier. La gestion de l’aéroport a été confiée au groupement turc Summa-Limak, maître d’oeuvre de la construction.

 

La localisation de l’aéroport est idéal: à seulement 45 km à l’Est de Dakar, à 15 minutes de la nouvelle ville de Diamniadio et Thiès. L’aérogare de 4.200 ha a une capacité de 3 millions de passagers par an et contiendra un pavillon présidentiel, six passerelles télescopiques, 44 positions de parkings avions et un système de voies de circulation au sol à même d’accueillir les plus gros porteurs tels que l’Airbus A380. L’Aéroport International Léopold Sedar Senghor était bâti sur une superficie de 800 ha. Le nouvel aéroport devrait permettre au Sénégal de devenir un véritable hub aérien régional pour l’Afrique de l’Ouest.

 

Relancer Sénégal Airlines

La compagnie aérienne qui est détenue à 36% par l’Etat voit son chiffre d’affaires en chute libre et une dette énorme de 91,5 millions doit trouver un nouvel envol. Un scénario est en train d’être établi afin de trouver une solution viable qui permettrait à la compagnie nationale de retrouver une position forte, viable et de se positionner au niveau régional, notamment grâce à la future ouverture du nouvel aéroport Blaise-Diagne.

 

Promouvoir le Sénégal pour attirer les touristes

Le tourisme sénégalais a connu une baisse de fréquentation de 30 à 40 % à cause de la propagation du virus Ebola en 2014-2015. En outre, le pays souffrait déjà d’un lent déclin depuis les années 2000.

 

Le Président Macky Sall souhaite séduire à nouveau les touristes pour les faire revenir au pays. Une bonne nouvelle viendra conforter son ambition: la construction d’un nouveau Club Med près de Mbour sur la Petite Côte. Henri Giscard d’Estaing, Directeur Général du Club Med espère ainsi attirer 2 millions de touristes par an à partir de 2018. « La réserve de Saraba » comptera 350 chambres sur 30 ares, et représente le plus important investissement de la sorte dans l’Afrique de l’Ouest

 

Pour faciliter l’arrivée des touristes, les autorités ont récemment décidé de supprimer le visa d’entrée et de réduire certaines taxes aéroportuaires. Le Plan Sénégal Emergent souhaite également renforcer les infrastructures d’accueil pour les touristes, le nouveau Club Med étant un premier pas dans ce sens.

 

En outre, une vaste campagne de promotion du Sénégal est en cours pour le moment. Rappelons que les 700 km de côte, les températures douces et particulièrement agréables (19°-27°) tout au long de l’année en font une destination de premier choix. Sans oublier la faune et flore exceptionnelle, les terres du Sahel aux confins du Sahara, le fleuve Sénégal, le delta du Sine Saloum et ses mangroves luxuriantes, le Djoudj avec ses myriades d’oiseaux, les hautes forêts de Casamance, la ville pittoresque de Saint-Louis, ancienne capitale, l’île de Gorée ou le parc national de Niokolo Koba… un patrimoine riche en culture et en histoire unique au monde.

 

Selon l’Agence Sénégalaise de Promotion Touristique, la part de touristes locaux est de 20%, contre 80% de touristes étrangers. L’accent sera également mis sur la promotion des destinations au niveau local afin d’atteindre 25% de touristes locaux en 2018.[8]

 

Le PSE prévoit 2 projets phares pour améliorer l’économie touristique: la « zone touristique intégrée », qui prévoit l’aménagement de nouvelles zones pour l’industrie, touristique, et le « plan sectoriel de développement du micro-tourisme », qui va donner aux populations locales de meilleures retombées économiques du tourisme.

 

Un soutien financier au secteur est assuré via un fond dénommé « Crédit Hôtelier et touristique ». Les entreprises dans le besoin peuvent faire appel au fond composé de 5 milliards de FCFA à taux réduit via 3 guichets[9].

L’Education et la recherche

 

Le PSE prévoit une enveloppe budgétaire de 257 milliards de francs CFA sur cinq ans dans le secteur de l’éduction et de la recherche. Ces sommes ont pour objectif de servir à la construction de deux nouvelles universités à l’intérieur du pays, l’équipement de laboratoires des lycées et la construction de blocs scientifiques et technologiques et de collèges de proximité alimentés par l’énergie solaire.

 

« Dakar Campus Régional de Référence » veut faire entrer l’université de Dakar dans le top 100 des meilleures universités mondiales. Le projet a pour objectif d’offrir un enseignement supérieur de référence de haut niveau (Bac +5, voire bac +2+3) et de renommée régionale, notamment par la mise en place de partenariats avec de grandes institutions universitaires internationales. Un campus intégré rassemblant dans une même zone les écoles de renommée régionale et les services nécessaires aux étudiants

 

L’Université Virtuelle Sénégalaise (UVS), lancée en 2014, va pour sa part bénéficier de 11,052 milliards de francs supplémentaires.

 

Le nombre de projets du Plan Sénégal Emergent est impressionnant. Tous n’aboutiront peut-être pas: certains seront des véritables succes stories tandis que d’autres prendront plus de temps à décoller. Mais ce plan ambitieux remet la priorité sur l’émergence du Sénégal et veut améliorer le bien-être de sa population afin que chacun bénéficie des bienfaits que peut apporter la croissance économique.

 

Santé, éducation, modernisation, électricité… soyons franc, le programme est plutôt ambitieux. Les entreprises belgo-luxembourgeoises, quant à elles, pourraient certainement mettre à profit leur savoir-faire et leur expérience dans les nombreux projets entamés. Ne dit-on pas qu’il faut toujours saisir la première chance[10].

 

 

Gauthier Demaret

 

 

[1] Avec l’Asie, l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud.

[2] Lire notre article sur Diamniadio, page x.

[3] le MOCI n° 2015 – 26 juillet 2016, Guide Sénégal Business

[4] Société nationale d’électricité

[5] Ce dernier avait déjà baissé de 95,5 FCfa à 83 FCfa en 2014

[6] Si en 1988, le taux d’urbanisation était de 38%, en 2013 il était à 45,2%. (source : BAfD, OCDE, PNUD 2016)

[7] Agence nationale de statistiques et démographie du Sénégal

[8] chiffres: département communication de l’ASPT

[9] « Financement des entreprises hôtelières et touristiques », « Bonification » et « Apport en fonds propre ».

[10] Martin Gray