Comment les sociétés belges peuvent-elles s’allier avec les sociétés chinoises pour gagner des marchés en Afrique

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« China Euro Services » un pont entre la Chine, la Belgique et l’Afrique

Baudouin Snel, représentant de CBL-ACP en Chine est basé à Shenzhen entre Hong Kong et Canton depuis 25 ans. Il y observe de près la demande croissante de la part de sociétés belges et africaines pour la recherche et le suivi d’équipements chinois destinés au marché africain dans les secteurs de l’agriculture, de la construction et des équipements de transport. 

Sa société « China Euro Services » (CES) a été créée à Hong Kong en 2006 et a ouvert un bureau d’achat spécialisé à Shenzhen en Chine afin d’apporter son soutien aux sociétés belges et africaines pour trouver des fournisseurs et partenaires pour leurs projets en Afrique.

Historique des échanges commerciaux Chine-Afrique 

Boom des échanges et grands projets d’infrastructure de 2000 à 2015 :

Le total des échanges Chine-Afrique est passé de 10 milliards USD en 2002 à plus de 200 milliards USD en 2015. La Chine est devenue le premier partenaire commercial du continent africain.  C’est une source stratégique de matières premières pour la Chine, en échange de produits de consommation et d’équipements pour de grands projets d’infrastructure. En effet la Chine domine le marché des travaux publics dans toute l’Afrique grâce à un financement très important via des prêts de banques d’état à taux réduit. Dans ce cadre, les ressources naturelles des différents pays africains faisant appel à ces financements servent souvent de garanties.

De 2015 à 2020 : ralentissement du commerce et des financements pour les grands projets :

A partir de 2016 le commerce Chine – Afrique a chuté à moins de 150 milliards USD à cause de la chute du cours des matières premières.  De plus la Chine a freiné, si pas stoppé, les grands projets d’infrastructure pour privilégier les investissements directs par des sociétés privées pour racheter des mines ou des sociétés africaines.

Le cas des relations économiques RDC – Chine en est un bon exemple. En effet le « méga deal » de la « Sicomines » négocié en 2007 entre les états chinois et congolais via des sociétés d’état des deux pays prévoyait un financement total de 6 milliards USD pour des projets d’infrastructure et 3 milliards USD pour le développement de sites miniers dans le Katanga en échange d’énormes concessions minières dont l’exploitation devait rembourser les prêts attribués par les banques chinoises.  A partir de 2012 les chinois ont rencontré des difficultés diverses dues aux conditions du marché et à des conditions difficiles des affaires en RDC, ce qui a conduit la Chine à fortement réduire le financement total prévu à moins de 3 milliards USD.

Plus aucun grand financement n’a été conclu depuis entre la RDC et la Chine et cette dernière a poussé ses entreprises à plus de prudence et à privilégier des rachats d’entreprise comme celui du plus gros producteur de cuivre, Tenke Fungurume par la China Molybdenum Co.  De plus la Chine a modifié sa politique de prêt en Afrique pour devenir un partenaire international responsable vis-à-vis du FMI et d’autres organisations internationales afin de réduire les accusations portées à son égard de créer une « Death trap » pour les pays africains via ces grands projets d’infrastructure financés par d’énormes prêts.

Dernièrement la crise Covid a aussi freiné ces grands projets d’investissement à cause d’un arrêt de production début 2020 et surtout du manque de techniciens chinois en Afrique, restés en Chine à cause du virus Covid.  

Les entreprises chinoises : concurrentes ou partenaires ?

Au vu de la présence croissante des sociétés chinoises en Afrique, les sociétés belges actives en Afrique se posent des questions et peuvent percevoir cette présence chinoise comme une concurrence et une menace.
À partir de son expérience dans le commerce sino-africain, Baudouin Snel est persuadé que les sociétés belges pourraient gagner à collaborer avec les sociétés chinoises plutôt que de les contrer, au vu de la complémentarité de leurs forces et faiblesses respectives sur le marché africain.

En effet, la Chine a développé une puissance financière et opérationnelle considérable en Afrique mais elle manque des connaissances du marché, des acteurs, des pratiques et de la culture locale. La Chine souffre d’un fossé culturel et géographique important avec l’Afrique. De plus, les sociétés chinoises ne bénéficient pas d’une longue expérience ou pratique des affaires en Afrique comme certaines sociétés belges, qui y sont actives depuis plusieurs générations. La langue française parlée dans de nombreux pays africains et peu ou pas de décalage horaire constituent un autre avantage pour la Belgique, à l’inverse de la Chine. 

D’autre part, les sociétés chinoises proposent des équipements qui correspondent aux besoins de base du marché africain, par rapport aux sociétés belges ou européennes dont l’offre est parfois trop chère ou trop sophistiquée. Cependant, ces dernières ont un réseau et une expérience importante dans le service après-vente, la formation et l’installation d’équipements, là où les sociétés chinoises rencontrent des problèmes dans le support technique en Afrique.

Deux exemples réussis de collaboration sino-belge pour des projets africains 

CES a récemment accompagné des sociétés européennes pour deux projets de grande envergure pour lequel son bureau d’achat multiculturel basé en Chine s’est avéré indispensable, en leur permettant de réaliser leur projet à un moindre coût tout en gardant un niveau de qualité et de service européen.  

En effet une société belge a fait appel à CES pour acheter en Chine des usines complètes de production de farine de maïs et de manioc, pour une capacité de 30 à 100 tonnes par jour, pour opérer dans 5 provinces en RDC.

CES a fourni une solution complète comprenant : la ligne de production entière, le hangar pour installer l’usine, les générateurs électriques et les techniciens africains bilingues formés en Chine pour installer ces usines de A à Z. Ceci a permis à l’entreprise belge de faire face à la pénurie de techniciens chinois ou européens qualifiés au Congo. 

D’autre part un grand groupe hôtelier qui doit rénover entièrement son hôtel avec près de 200 chambres en Afrique a fait appel à CES pour gérer le sourcing de tous les matériaux et équipements nécessaires pour ses chambres, en provenance de Chine.  CES a offert un service complet comprenant aussi le design, en collaboration avec deux cabinets d’architectes chinois et africain, afin de produire une chambre témoin et sourcer tous les équipements nécessaires à un tarif très compétitif tout en maintenant une qualité et un design européen. 

Le bureau d’achat de CES a acheté et consolidé tous les équipements y compris meubles, sanitaires, carrelages, portes, électroniques, etc. auprès de plus de 10 fournisseurs chinois qui travaillent avec de grandes chaines d’hôtels 5 étoiles dans le monde entier.

De nombreuses sociétés belges ou africaines cherchent à offrir un prix très compétitif avec des fournisseurs chinois tout en gardant leur niveau de qualité mais hésitent à collaborer avec ceux-ci à cause de craintes de problèmes de qualité, de communication et de service après-vente. 

CES offre un service complet qui va de la sélection de produits/fournisseurs chinois, au suivi logistique et au contrôle de qualité sans oublier le support technique avant et après la vente.  Cela permet à ces sociétés belges de collaborer avec des fournisseurs chinois en toute sécurité.

Conclusion 

Les sociétés belges devraient davantage collaborer avec les sociétés chinoises pour réaliser ensemble des projets communs en Afrique et combiner leurs avantages respectifs pour remporter de nouveau marchés.

Baudouin Snel,
Délégué permanent de la CBL-ACP
en Chine (Shenzhen)