1. Quelles sont les réalités, les avantages et obstacles du terrain de la « nouvelle RDC » sous le Président Félix Tshisekedi ?
C’est une banalité d’évoquer le potentiel République Démocratique du Congo et ses réserves de matières premières et de richesses naturelles. Son positionnement géographique au cœur de l’Afrique est un atout, même si l’enclavement de nombreuses zones de production représente aussi souvent une contrainte.
Il est important de souligner les axes de développement prioritaires de la RDC, où souvent les atouts que représentent les secteurs de l’agriculture et l’élevage ; de l’énergie, avec l’hydroélectricité en premier mais pas seulement ; les réseaux de transports ; l’eau ; la forêt, secteur contributeur majeur aujourd’hui lorsqu’on parle de ‘transition écologique’, subissent aussi les contraintes qui se dressent devant les investisseurs.
Nous sommes arrivés à un point de nos relations Nord-Sud où la franchise est un facteur premier de réussite dans les partenariats que tous nous souhaitons voir démarrer, je me permettrai en conséquence de lister brièvement ici les principaux écueils qu’il faudra bien affronter pour aller de l’avant dans un climat des affaires apaisé.
1 – La justice
Un premier obstacle est l’état de la justice. Son fonctionnement continue à être chaotique, reconnaissons-le, malgré de réels efforts pour s’attaquer à la gangrène qui la ronge, mais trop éparses et sans impact vraiment déjà perceptibles. La remise en cause des droits de propriété est devenue une pratique d’enrichissement sans cause, et constitue un obstacle de taille pour des investisseurs par définition ‘gibier peureux’ suivant l’expression célèbre d’un réputé ancien Premier Ministre de la RDC.
La prochaine promulgation d’un nouveau Code Foncier pourra contribuer à assainir la situation.
2 – L’absence de respect des règles en matière de marchés publics
Ces dernières années, d’importants efforts ont été réalisés pour continuer à attirer des investisseurs en RDC. Cependant, victime de l’attrait de ses richesses, l’amer constat est de voir des marchés attribués à des investisseurs souvent bien peu scrupuleux du respect des lois et règlements en vigueur. Ces pratiques provoquent un sentiment de grande méfiance face aux candidats investisseurs qui souhaitent opérer dans la transparence.
A titre d’exemple, les principaux chantiers portuaires, cruciaux pour assurer une logistique performante qui pourra accompagner le relèvement du Congo, se font régulièrement avec des partenaires et acteurs relativement nouveaux sur le continent.
Si nous sommes bien compréhensifs sur la liberté de la RDC de choisir ses partenaires, il n’est vain de rappeler que les critères de sélection doivent avant tout se baser sur la capacité de performer de ces nouveaux contractants.
3 – La corruption
Ce point est crucial tellement il est ancré dans les pratiques. Sa rançon est un sentiment de méfiance quasi généralisée auprès des investisseurs qui opèrent dans des systèmes où les réglementations anti-corruption, anti-blanchiment sont devenues autant ‘d’ukases’ pour refroidir les ardeurs des plus courageux.
C’est aux gouvernants de la RDC de mener le combat pour progressivement modifier cette image. Nous savons que si c’est une priorité au sommet de l’État, la mise en œuvre des bonnes pratiques ne se fera pas sur des déclarations d’intention. Une coopération ici aussi peut être utilement développée en matière de formation et contrôle dans le secteur bancaire et ceci pourrait contribuer à y restaurer la confiance auprès du secteur bancaire européen qui reste pour le moins très frileux.
2. Vous êtes Head of Section pour la RDC auprès de la CBL-ACP et vous avez suivi la visite royale du mois de juin 2022. Quel en est le résultat attendu ?
Cette visite au Congo, la première du Roi Philippe, pourra poursuivre le réchauffement ses relations entre nos deux pays.
La volonté de chacune des parties étant de se tourner vers l’avenir.
Le roi Philippe et le 1r Ministre Alexander De Croo ont réaffirmé la volonté de la Belgique de rester attentive et aux différents projets en cours en RDC destinés à la reconstruction et la relance du pays.
3. Dans quelle mesure la Belgique joue-t-elle le rôle d’acteur clé dans l’économie régionale ?
La Belgique ne joue plus de rôle clé à proprement dire, au vu de la taille des chantiers majeurs de la RDC. Grâce à un secteur de PME et PMI dynamiques et performantes, qui connaissent parfaitement leurs marchés, nous maintenons de beaux atouts pour avancer dans la voie de partenariats novateurs. Nombre de ces PME-PMI sont membres de la CBL-ACP, c’est donc à nous de continuer à œuvrer comme facilitateurs.
Il faut aussi escompter la relance de notre coopération économique de manière à répondre aux attentes et priorités de la RDC, encourager le développement autonome de projets locaux, offrir aussi les outils à nos entreprises performantes en termes de réponse aux appels d’offre. Nous sommes réellement desservis par la tiédeur des intermédiaires financiers européens.
Au-delà de ces constats, nous demeurons positifs pour l’avenir ainsi qu’envers la capacité de la RDC d’affronter ces défis.
Ancien Directeur Général de la BCDC, Thierry Claeys Bouuaert compte plus de trente années d’expérience de terrain dans le secteur bancaire en RDC. Après avoir été notre vice-président de la CBL-ACP durant 9 ans, il est actuellement en charge de la section bilatérale RDC.