L’agribusiness au secours de la reconstruction camerounaise

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Les attaques de Boko Haram et les troubles séparatistes qui ont successivement frappé le Cameroun ont laissé le nord et le sud du pays économiquement exsangues.
Le temps est venu à présent de se relever. L’énorme potentiel agricole et d’élevage camerounais font de l’agribusiness la voie royale de la reconstruction économique, et le meilleur moyen de faire face à l’insécurité alimentaire croissante.

« Véritable grenier de l’Afrique Centrale, le Cameroun joue un rôle très important dans la sous-région en la ravitaillant », rappelle Victor Kakmeni, président du CODECAM (voir encadré ci-contre). « L’industrie agricole et de l’élevage est le principal pourvoyeur d’emplois du pays en occupant environ 60% de la population active, essentiellement au sein d’exploitations familiales. Elle assure aussi un rôle irremplaçable dans la création de revenus dans les campagnes, pour les quelques deux millions de ménages agricoles recensés. Ce secteur a contribué à lui seul de 22,8% au PIB durant l’année 2015, selon le Ministère camerounais de l’agriculture (MINADER) ».

Des milliers de têtes de bétail volées et des récoltes inaccessibles

L’importance du secteur explique a contrario la gravité des pertes subies. Dans l’Extrême-Nord du pays, les attaques répétées de la secte islamiste nigériane Boko Haram depuis 2013 ont fait du dégât. Le secteur de l’élevage a payé le prix fort : les pertes avoisinent les 55 milliards de FCFA, selon le Ministère de l’Elevage, des Pêches et des Industries Animales (Minepia). Elles sont essentiellement liées à la fermeture de
21 marchés à bétail dans la région, mais aussi aux tueries et aux vols de bétail perpétrés par Boko Haram. En 5 ans, les terroristes ont volé aux éleveurs de l’Extrême-Nord environ 17.000 bovins, et des milliers d’ovins et de caprins.

Dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les conflits liés aux revendications indépendantistes qui sévissent depuis 2016 ont engendré une insécurité alimentaire aigüe. Même lorsque de nouvelles récoltes sont disponibles, l’accès aux zones rurales est devenu difficile, voire impossible. Ces difficultés d’approvisionnement ont fait flamber le prix des denrées alimentaires dans les villes. Pour les familles pauvres, celles qui habitent dans des zones inaccessibles et celles qui ont été déplacées dans les centres urbains, la famine menace.

Trois « zones économiquement sinistrées » pour favoriser l’investissement

Dans les trois régions touchées, les conflits ont eu raison du peu d’infrastructures agricoles existantes. Tout est à reconstruire. Conscient de l’urgence, le gouvernement entend bien y stimuler au plus vite la reprise de l’entrepreneuriat et de l’investissement, mesures à l’appui. Le 2 septembre dernier, le Premier ministre déclarait officiellement l’Extrême-Nord, le Nord-Ouest et le
Sud-Ouest « zones économiquement sinistrées ». Le décret instaure une défiscalisation pour les investissements au sein de ces trois régions : un crédit d’impôts de 30% des dépenses pendant 3 ans (plafonné à 100 millions FCFA), et pour les nouvelles entreprises, une exonération d’impôts et de taxes jusqu’à 3 ans en phase d’installation et 7 ans en phase d’exploitation.

Bien que certains politiques doutent que la sécurité et la paix soient suffisantes dans ces régions pour que des entreprises s’y risquent, le président du CODECAM assure pour sa part que
« le gouvernement a pris des mesures appropriées contre la secte Boko Haram, et le calme règne aujourd’hui au Nord. Par ailleurs, un grand dialogue national s’est instauré autour des problèmes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ».

L’agriculture est le plus bel atout du Cameroun

La facture des importations de produits agricoles pèse lourd. Très lourd. Entre 2010 et 2018, les importations sont passées de 987.000 tonnes à 1657.000 tonnes, soit une augmentation de 68%. La note s’élève à 370 milliards de FCFA et aggrave les difficultés actuelles de l’économie camerounaise. Ces produits sont pour l’essentiel des intrants agricoles destinés à la production des grandes industries agroalimentaires : céréales et produits de la minoterie, sucre raffiné, huile de palme, fruits, préparations à base de cacao, tourteaux de soja et pâte de tomate.

Pour redresser la balance courante, le gouvernement s’atèle à promouvoir l’utilisation d’intrants agricoles locaux. Il entend notamment relancer la filière du riz au Cameroun en réaménagant des rizières. En 2017, ce sont pas moins de 628.400 tonnes de riz blanc qui ont été importées, alors que le sol et le climat du Cameroun sont tout à fait propices à sa culture.

Priorité est donnée à l’agriculture et l’extraction minière, ses plus grands atouts immédiats, pour parvenir à l’objectif que le Cameroun s’est fixé : atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche haute d’ici à 2027. C’est l’essence du programme de la phase 2 du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE, la boussole du pays pour l’émergence en 2035), assortie d’une meilleure répartition des richesses. La phase 3 (2028-2035) visera quant à elle à développer l’industrialisation.

L’agribusiness, une belle affaire ?

En dépit de ses difficultés récentes, le Cameroun représente aux yeux du président du CODECAM « une destination d’affaires par excellence, dotée d’une règlementation très favorable aux investisseurs ». Pour Victor Kakmeni, le Cameroun est « une Afrique en miniature : grâce à son économie diversifiée et tournée vers le monde, sa position stratégique au cœur du continent entre deux grandes communautés, la sous-région d’Afrique Centrale (CEEAC) et la sous-région d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), il est une locomotive pour l’Afrique Centrale ».

L’environnement des affaires récolte par ailleurs les fruits de pas moins de 83 réformes menées en 10 ans, dans 11 domaines différents. C’est du moins ce qu’affirme un récent rapport de l’Institut National de Statistique (INS). Le gouvernement a en fait appliqué 96 % des recommandations émises par le Cameroon Business Forum – une plateforme d’échanges entre secteurs public et privé pour l’amélioration du climat des affaires – depuis sa première édition en 2009. Selon l’INS, les trois réformes les plus réussies sont celles du paiement des impôts, du commerce transfrontalier et de la création d’entreprises.

 


 

Le CODECAM, une ONG qui guide les investisseurs

Le Comité de Développement du Cameroun (CODECAM) est une organisation de la société civile
belgo-camerounaise à but non lucratif et apolitique. Il vise à renforcer la coopération commerciale et économique entre les deux pays, et s’est donné entre autres missions d’orienter les investisseurs belges et européens désireux d’entreprendre au Cameroun. Le CODECAM cherche également des partenaires techniques et financiers pour la mise en œuvre de projets socio-économiques sur place.

Il organise à Yaoundé du 17 au 19 février 2020 la 2ème édition de la conférence nationale pour l’entrepreneuriat jeune et l’investissement au Cameroun, en partenariat avec le gouvernement camerounais et sous le haut patronage du Ministère camerounais des PME.


 

Agribusiness et élevage : les opportunités

Cultures :
céréales : maïs , riz, mil/sorgho
tubercules : igname, manioc, macabo/taro, patate douce, pomme de terre
banane douce et banane plantain
fruits et légumes : ananas, pastèque, tomate, concombre, oignon
oléagineux : arachide, palmier à huile, sésame, soja
légumineuses et épices : gingembre, gombo, haricot, piment, niébé, voandzou
cultures d’exportation : cacao, coton, café, banane, caoutchouc, huile de palme
Elevage : poulet, porc, poisson, vache, etc. et abattage
Unités de transformation de cultures et de fruits en jus
Unités de conservation, d’emballage, de conditionnement
Commercialisation au Cameroun et dans la sous région : le Cameroun ravitaille notamment le Nigéria (près de 200 millions d’habitants)
Exportation vers la Belgique et l’Union Européenne : un accord de partenariat économique (APE) lie le Cameroun et l’UE