Perspectives macro-économiques sur la RDC

0
8149

La situation économique de la RDC au premier semestre 2017 est marquée par une crise socio-économique interne et exogène. Le pays a terminé l’exercice 2016 avec un taux de croissance de 2,5%, selon la Banque centrale du Congo. Ce taux accuse un recul de 5,5% par rapport à 2015 où le taux de croissance était à 7,7%. Le taux d’inflation prévu à la fin de l’exercice 2016 à 4,2% a été largement dépassé jusqu’à plus de 20% de dépréciation.

Les performances économiques réalisées par la RDC au cours de l’exercice 2015 lui ont per- mis d’être classée parmi le top dix des économies du monde, avec un taux de croissance du PIB réel supérieur à 7% contre une moyenne de 3,5% en Afrique subsaharienne.

Selon la Banque centrale du Congo, la décroissance économique de la RDC en 2016 s’explique notamment, par le ralentissement de l’activité économique des pays émergents, notamment la Chine, occasionnant la chute des cours des matières premières et autres effets néfastes sur l’économie de l’Afrique et particulièrement sur celle de la RDC.

Les prix des matières premières d’exportation de base à l’instar de cuivre, du cobalt, de l’or et du pétrole ont donc subi un contrecoup, entraînant une baisse de près de deux tiers. C’est le cas notamment du cuivre dont la tonne se vendait à 4.750 USD en 2016 contre 15.000 dollars américains en 2015.

Cette morosité économique a obligé plusieurs sociétés extractives de réduire leurs activités pour se mettre à l’abri des pertes. D’autres ont été contraintes de fermer en attendant la reprise économique.

Si le secteur primaire occupe une place importante, celle de l’agriculture reste prépondérante dans l’économie de la RDC

Bonne pour 16,5% du PIB, elle reste la principale activité du pays et fait vivre près de 70% de sa population. Les bonnes récoltes de 2016 a permis de limiter la baisse de la croissance en 2016. La modernisation de ce secteur, ainsi que l’amélioration de la productivité soutiendront la diversification de la croissance et stabilité de l’évolution positive de l’économie.

Taux de change

En 2016, le franc congolais a subi une dépréciation de 10% de sa valeur face au dollar américain au taux officiel, et de 16,5% sur le marché parallèle. Sur le marché officiel, 1 USD s’échangeait contre 997 CDF au deuxième trimestre, et contre 1034 CDF au troisième trimestre ; sur le marché parallèle, ce taux évolue de 1078 CDF au second trimestre à 1128 CDF au troisième trimestre et actuellement à plus de 1200 CDF. Cette dépréciation se confirme, voire s’accélère. Les réserves de change continuent à baisser, passant de 1,4 milliards USD en 2015 à 996 millions USD au cours du troisième trimestre 2016. C’est la première fois depuis 2008 que ces réserves sont à un niveau si bas. Ce montant correspond seulement à 4,4 semaines d’importations de biens et services, bien en deçà du niveau recommandé par le FMI. Cette situation met inévitablement la RDC à la merci de potentiels chocs exogènes, avec des perspectives d’embellies très réduites, selon Jérôme Roux, représentant commercial de Brussels Invest & Export et de l’AWEX à Kinshasa.

Taux d’inflation

L’inflation subit officiellement une légère hausse, dans un contexte de volatilité du taux de change de la monnaie congolaise face au dollar américain (USD). Ainsi, une bonne partie des prix des produits de première nécessité sont en hausse. Les commerçants alignent généralement leur prix sur le taux de change pratiqué sur le marché parallèle, moins favorable au franc congolais (CDF) que le marché officiel. Ce qui accentue l’impact du ralentissement économique sur le pouvoir d’achat des ménages congolais. L’inflation, avec un taux prévisionnel annuel de 4,13% reste en deçà du scenario macroéconomique de la loi des finances révisée de 2016 à 4,5%.

Cette inflation de 3,5% à fin août 2016 est cependant bien supérieure à ce que le pays avait connu durant les années précédentes avec une inflation qui avoisinait les 1% sur la période 2013-2015. La BCC qui pratiquait jusqu’alors une politique monétaire active caractérisée notamment par des injections de devises (45 millions USD ont été mis en vente par la BCC au cours de la période et près de 200 millions USD depuis janvier 2016) a recouru en ce trimestre à une nouvelle mesure de nature restrictive, notamment l’augmentation du taux de prêt interbancaire. Ce dernier est passé de 2% à 7%. L’autre mesure prise par la BCC est la modification du taux du coefficient des réserves obligatoires (dépôts des banques commerciales auprès de la BCC). Ce taux est passé au cours du troisième trimestre de 9 à 12% pour les dépôts à vue et de 10 à 13% pour les dépôts à terme.

La BAFD, l’OCDE et la PNUD prédisaient une reprise de la croissance en 2017, étant entendu que les engagements de janvier 2016 pour la stabilisation et la relance économique soient mises en oeuvre.

Reste un domaine dans lequel les indices ont progressé en 2016, c’est celui du développement humain. Le Programme National de Développement, qui prévoit la gratuité de l’éducation dans l’enseignement primaire est une avancée notable ainsi que la planification de construction d’écoles. Notons que le taux d’alphabétisation, de scolarisation ont également progressé. Ces progrès ont fait évoluer l’indice de développement humain qui connaît une progression de 4,7% en deux ans.

L’amélioration du climat des affaires

En juin 2016, nous vous présentions l’ANAPI – l’Agence nationale pour la promotion des investissements. Cet organe a pour objectif de faciliter le climat des affaires et dérouler le tapis rouge pour les investisseurs. Les mesures et réformes engagées par le gouvernement tels que la mise en place d’un guichet unique de création des entreprises, de délivrance des permis de propriété et de raccordement à l’électricité, de réduction du taux d’imposition sont d’autant d’initiatives dont l’agence doit assurer la mise en place.

La RDC se hisse à la 48ème place au niveau africain et 184ème au niveau mondial sur 190 pays, ce qui laisse de la place à l’amélioration. L’amélioration la plus notoire se situe dans la rapidité d’obtention du permis de construire et du raccordement à l’électricité.

Cette préoccupation a été prise en compte dans l’élaboration d’un Plan National Stratégique de Développement afin de stimuler davantage l’économie et la création d’emplois. Le gouvernement souhaite assainir le climat en résorbant le déficit infrastructurel et éradiquer les tracasseries administratives et fiscales tout en accroissant les facilités en faveur des investisseurs et entreprises.

Secteur financier

La composition du secteur financier s’articule autour de banques agrées (20), une entreprise d’assurance, l’Institut national de la sécurité sociale, 5 institutions spécialisées et 117 institutions de microfinance et coopération. La RDC ne compte pas encore de marché boursier ni de marché de capitaux de dettes mais les conditions pour son développement se mettent en place grâce à l’aide technique du Fond Monétaire International.

La baisse de la croissance a eu un impact sur le secteur financier. Les crédits nets à la clientèle sont en faible hausse de moins d’un pourcent par rapport à 2015, malgré que le taux soit passé de 2 à 7% fin septembre 2016. Les crédits nets en souffrances sont en accroissement de 19,40% par rapport à décembre 2015 et les ratios de liquidité du système bancaire et de solvabilité globale ont reculé entre 2015 et 2016. Les crédits nets à long terme, quant à eux, se sont accrus de 40,49% sur les dix premiers mois de l’année 2016.

Secteur manufacturier

Loin de réaliser son potentiel, le secteur manufacturier congolais ne crée que peu de valeur. Il contribue à hauteur de 15,9% au PIB en 2015 contre 43,6% pour le primaire et 40,4% pour le tertiaire. Cette faible contribution s’explique par le manque de routes et d’accès à l’énergie, l’ancienneté des outils de production, le manque d’innovation et l’étroitesse du secteur financier. La branche la plus importante est l’agro-alimentaire et les boissons – 46,5%- suivi des produits chimiques et la production du bois, à 11,1 et 10,5%.

Plan National Stratégique de Développement

En janvier 2016, le Président de la RDC a présenté son Plan National Stratégique de Développement qui vise à faire de la RDC un pays à revenu intermédiaire à travers l’augmentation du revenu national à 2.000 $ d’ici 2035. Véritable « roadbook » vers l’émergence, ce plan est élaboré en trois parties, la première étant les stratégies, la seconde concerne les actions à mettre en place et la dernière fait place aux observations et commentaires.

Le but est d’augmenter la part de marché économique en développant 3 secteurs phares comme moteur de croissance nationale : l’industrialisation des secteurs de base, le développement du vaste terrain agricole et l’amélioration de la productivité du secteur minier et industriel.

A plus court terme, la Banque Africaine de Développement, elle, préconise, la présupposition de cinq facteurs pour le rétablissement de la croissance à court et moyen terme.

La hausse des prix des métaux, matières principales d’exportation de la RDC

Un climat politique stable suivant un consensus sur l’élection présidentielle

La continuation de l’amélioration des investissements, la diversification des tissus de production

La hausse de l’aide publique au développement

La fourniture d’électricité pour tous

Elle prévoit ainsi que les secteurs moteurs de la croissance seront l’extraction, les transports et télécommunications, les industries manufacturières, le commerce et l’agriculture. La croissance devrait bénéficier des investissements prévus dans le PNSD et la reprise des activités de Kamoto Copper Company, principale société de production de cuivre. Le plan devrait aider la RDC à accéder au statut de pays à revenu intermédiaire en 2021 avant de viser le statut de pays émergent en 2030.

455 millions USD de la BM en soutien au secteur agricole de la RDC

Le Directeur des Opérations de la Banque mondiale en RDC, Ahmadou Moustapha Ndiaye, a lancé, le 11 novembre 2016, les activités relatives au mois de l’Agriculture. Cette institution a focalisé son attention, au cours de ce mois, sur les principaux projets initiés par le Gouvernement congolais pour assurer la sécurité alimentaire et le développement de l’agro-industrie. Démarrée par une conférence de presse, cette cinquième phase de rencontres thématiques, organisées mensuellement à Kinshasa, a pour objectif d’assurer la visibilité des actions entreprises par le Gouvernement congolais, avec l’appui de la Banque mondiale dans le domaine agricole.

La RDC dispose d’un potentiel de 80 millions d’hectares de terres arables, dont à peine 10% de cette supercie est mise en valeur, a fait savoir A.M. Ndiaye aux professionnels de médias. Et d’ajouter : ’’les rendements des cultures sont parmi les plus bas au monde, et le pays im- porte annuellement pour environ 2 milliards de dollars américains pour nourrir sa population en pleine croissance’’. Pour ce faire, le Groupe de la Banque mondiale s’est engagé à soutenir le Gouvernement congolais dans sa stratégie, en mobilisant à ce jour ’’un montant cumulé de 455 millions de dollars américains, soit 15% de l’engagement total de la Banque mondiale en RDC’’, précise M. Ahmadou Moustapha Ndiaye.

Les PME et la priorité à l’entreprenariat

Une des clés de la réussite pour l’économie de la RDC et sa population est la création d’une croissance inclusive, ce que permet un développement des petites et moyennes entreprises. C’est donc sur base de cette hypothèse que les autorités, soutenues par les Nations Unies ont élaboré des outils concrets de soutien.

La Stratégie nationale de développement des PME a été mise au point afin de venir en aide aux PME qui constitue 80% des acteurs de l’économie congolaise.

Le plan définit les axes stratégiques et les actions par lesquelles les activités des PME seront soutenues jusqu’en 2031.

Les cinq axes du plan sont l’amélioration de l’environnement institutionnel, l’accès aux services non-financiers, l’accès au financement, l’éducation à l’entreprenariat et l’accès au marché. Chaque pilier est décliné en composantes avec des mesures spécifiques à mettre en oeuvre.

L’un des outils pour la croissance des PME sont les incubateurs. Véritables pouponnières à entreprises, il propose aux entreprises de la formation et de l’encadrement pour favoriser leur évolution. L’Office de promotion des PME congolais s’est d’ailleurs doté d’un programme national d’implantation des incubateurs. Trois projets pilotes sont sur les rails:

Le projet d’implantation à Kinshasa d’un centre d’incubation des PME en partenariat avec National Small Industry Corporation Limited, en Inde

Le projet d’implantation à Kinshas d’un incubateur spécialisé PME de la filière cuivre avec l’appui de l’institut du cuir du COMESA

Le projet d’implantation à Kinshasa d’un incubateur spécialisé dans l’extraction et la commercialisation d’huiles essentielles avec l’appui de Small Enterprise Development Agency de la République Sud-Africaine.

Tenant compte de la réalité entrepreneriale locale, le modèle d’incubateur comporte 3 phases. La première consiste en la creation d’un centre de formation doté des équipements nécessaires afin d’aider les porteurs de projets. Secondo, l’implémentation d’un centre de production avec toutes les infrastructures nécessaires et, dernièrement, le suivi des incubés complet jusqu’à l’obtention du financement auprès des banques.

Ces mesures devraient permettre aux porteurs de projet de lancer leurs idées et aux PME congolaises d’améliorer leur innovation et productivité. En outre les filières de recherche et développement vont ainsi être renforcées et les PME deviendront un veritable moteur socio-économique.

Plus que jamais, la République démocratique du Congo est dans une phase délicate de son histoire où tous les potentiels peuvent être réalisés. Rendez-vous en juin 2018 pour voir ce que les autorités et entreprises auront réussi à réaliser dans un contexte difficile

Source: Beltrade, Jérôme Roux, Banque Africaine de Développement, Banque Mondiale, UNDP, OECD, African Outlook.